
Excellence Monsieur le Gouverneur,
Depuis longtemps, j’ai eu cette envie de vous écrire pour vous dire des choses, beaucoup de choses. Mais parfois mon instinct me dis, humm… Emile tais-toi ! D’autres fois, ce même instinct si coriace me dit Emile, quand on a une grande admiration pour quelqu’un, on lui parle en face en prenant soin de rester dans les normes et les frontières de la courtoisie pour ne pas se faire taper là-dessus. Mais non, je sais que vous ne me taperez jamais dessus. Vous n’êtes pas comme les autres qui refusent qu’on les pointe du doigt. Vous êtes une personnalité très attachée aux valeurs humaines. Vous êtes franc et faites toujours preuve de fermeté dans vos engagements. C’est exactement ces valeurs que j’aperçois, de loin, en vous qui me plaisent. Je vous admire beaucoup pour celui que vous êtes. Votre personnalité si forte, votre impressionnante façon de parler cadencée avec les gestes de la main et votre croyance en Dieu sont ce qui m’émeuvent chaque fois que je vous vois –à la télé. Mais… parfois il y a de petites choses qui me désolent, c’est pourquoi j’ai décidé de vous écrire.
En 2010 la tempête a secoué la machine électorale à la tête de laquelle vous étiez. On vous a soupçonné à tord ou à raison de vouloir glisser des noms qui profiteraient à certains concurrents au trône présidentiel tant convoité. Vu l’ampleur de l’accusation et des doutes autours de votre culpabilité ou non, je me suis dis que vous feriez mentir ceux qui postulent que « la démission » était un vocabulaire creux dans le dictionnaire des hommes publics Africains.. Que Nenni ! Pour vous, démissionner serait preuve de culpabilité. Or coupable, vous ne l’étiez pas, disiez-vous, donc pas question de démissionner. Vous avez résisté contre vents et marrés. Vous vous êtes plutôt expliqué ! expliqué ! et EXPLIQUÉ encore… ! sans trop convaincre, puisqu’au moins, vous aviez reconnu qu’il y a eu “un dysfonctionnement″ dans votre système. Pour vous contraindre au départ, le Chef d’alors a dissout votre équipe et vous vous êtes cloîtré chez vous le temps de vous faire oublier. Puis, lorsque les regards ont été détournés, vous vous êtes revêtu de votre manteau de militant du Parti vert. Ceux qui, comme moi, avaient parié sur votre impartialité ont commencé à retirer leurs mises…
Une année après, vous avez été nommé à la tête du District d’Abidjan. En faisant appel à vos énormes qualités professionnelles, vous avez redonné vie à nos envies insatiables d’Abidjanais. Pour éclairer nos vies et en votre qualité de chrétien, vous vous êtes souvenu du 1er Chapitre du Livre de Genèse aux versets 3 et 4 : « Dieu dit : que la lumière soit ! Et la lumière fut ! Dieu vit que la lumière était bonne, et Dieu sépara la lumière des ténèbres…».
En Décembre 2011, vous avez décidé de séparer nos misérables vies dans les ténèbres des années de guerre d’avec notre nouvelle vie sous votre commande. Ainsi avez-vous ordonné « Que la lumière soit ! et la lumière fut ! ». Chaque soir, hommes, femmes et enfants, paralytiques et manchots venaient contempler la lumière dans toute sa splendeur. Des malades demandaient des autorisations à leurs médecins pour jouir, juste pour un soir, des bienfaits de la lumière. J’ai même vu des aveugles, qui mendiaient le jour, effectuer le déplacement les soirs, sans leurs cannes ni leurs lunettes, pour voir la lumière de leurs propres yeux! Pour faire jolie, vous l’avez baptisé « la Fête de la lumière » ! Tous venaient donc fêter la lumière pour repartir chez eux aidés des seules lumières que leurs offraient leurs téléphones portables quand ils avaient la chance d’avoir des batteries qui tiennent encore puisque contraints à subir le délestage, la plupart n’avaient plus de courant à domicile.
Vous avez alors vu que la lumière était bonne, et vous avez ordonné qu’elle soit ENCORE en 2012 ! Et elle fut ! Cette fois, elle aurait dû être gigantesque si les revenants des 3000 morts de la guerre qui refusaient de mourir malgré qu’on les y ait contraints par coups de fusils, ne s’y étaient pas mêlés créant un surplus d’invités pour enfin conduire à une bousculade meurtrière. Très vite, la lumière a fait place aux ténèbres dans les cœurs des familles. Des enfants sont restés orphelins et ne verront jamais le père Noel. Des épouses sont jusqu’à ce jour inconsolables. Des mères ont perdu leurs uniques enfants qui leur donnaient à manger… tout ça, pour voir la Lumière. Rien que ça !
En pareille circonstance, deux questions sont posées : QUI et POURQUOI ? Pourquoi ? Je crois qu’il y a eu une ébauche de réponse. Mais Qui ? Je ne m’en souvient plus trop. Si ce n’est Pierre, c’est que c’est Paul, dit-on. Mais lorsqu’on a désigné Pierre, il a plutôt pointé du doigt Paul, qui lui a désigné Constant. Selon Constant, c’est plutôt à Mathieu qu’il fallait s’adresser, lui qui croit que c’est surement Médar qui était là le matin. Médar jurait que ce ne pouvait qu’être le fait de Judas, le traite. On croyait tenir le coupable, quand nous fûmes surpris de voir Judas pointer Pierre du doigt… On se croyait dans un jeu de ping-pong. Mais en attendant de savoir QUI, j’ai juré sur les 32 dents de ma bouche que vous démissionneriez ! Non pas parce que vous étiez forcement coupable, mais pour attendre les résultats de la justice et revenir ensuite si vous étiez blanchit. Encore une fois, Que Nenni ! Cependant, personne, ni même vos détracteurs, ne vous reproche de n’avoir pas démissionné, ni en 2010 encore moins en 2012.
Toutefois, nous sommes aujourd’hui en Décembre 2013 et continuons de pleurer nos morts du 31 Décembre 2012. Au nom des familles oubliées de ces 63 morts de trop, j’ai décidé de vous écrire pour vous présenter une seule doléance : S’il vous plaît, que la lumière NE soit plus !
La vraie lumière, je crois, est celle qui illumine le cœur et transparaît sur le visage et non pas celle qui éblouit ce visage affamé qui s’efforce sans conviction de sourire sans parvenir à le rendre gai. Employez-vous donc à égayer les cœurs des enfants, des épouses et des pères. Allez dans les quartiers précaires d’Abobo-Derrière rails, de Yopougon-Yaoséhi, d’Adjamé-Bromacoté et offrez des sacs de riz aux familles pour les fêtes. Organisez des sapins éclatés dans tout le district d’Abidjan pour rendre leurs sourires volés aux enfants des familles de Morts de Décembre 2012. Faites tuer des bœufs à la veille des fêtes de Noel et du nouvel an et partagez aux ménages qui n’auront même pas le luxe de s’acheter un poussin au risque de se voir expulser une semaine après pour n’avoir pas payé les 5000f cfa de loyer soit 10 dollars qu’ils doivent à leur locataire qui attend ce montant pour que sa fille, renvoyée, retourne à l’école.
Éteignez-donc les lumières, Monsieur le Gouverneur, vous sauverez des vies ! Faites-le en mémoire de ceux qui sont partis en Décembre 2012 et à la vie de ceux qui pourraient venir à la fête de Décembre 2013 ! Le Fils de Namory, qui pleure toujours son père, vous sera reconnaissant !
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