
C’est à une véritable parade de comédie à l’arrière-goût très fade d’hypocrisie mêlée de dédain et de défiance que nous assistons depuis quelques jours dans la relation entre la Côte d’Ivoire et la Cour pénale internationale (CPI) au sujet des présumés coupables des exactions commises en Côte d’Ivoire pendant la guerre qui a suivi la période postélectorale de 2010.
De la comédie il y a, parce qu’à y voir de près et avec un peu d’exagération de ma part, cette relation ressemble à l’histoire de Tom et Jerry. Tom et Jerry est une série américaine de dessins animés humoristique créée dans les années 1940 par William Hanna et Joseph Barbera. Tom (le Chat) tente désespérément d’attraper Jerry (la Souris) en lui tendant des pièges que Jerry trop malin (ou se croyant ainsi) trouve des astuces pour éviter à chaque fois ! L’un des scénarios les plus récents qui m’intéresse ici n’est pas basé sur la tentative de Tom d’attraper Jerry, mais l’ambiguïté que produit leur relation de ni amis, ni ennemis, une relation qui les conduit très souvent dans une aventure délirante dont ils sont tous les deux complices.
Le contexte n’est pas identique et tous les éléments ne sont pas réunis, certes, mais ça y ressemble. Ici Tom c’est la CPI et Jerry l’Etat de Côte d’Ivoire. Jerry décide de donner libre cours à Tom (par la signature du Traité de Rome) d’intervenir dans ses affaires lorsque des individus de mauvais aloi viendraient lui causer du tort (ici c’est en ami). Se prévalant de ce droit, Tom décide d’incriminer et de s’emparer de ceux qu’il aura considérés comme fauteurs de troubles pour leur faire subir la rigueur de sa loi. Et c’est à ce moment-là, que Jerry se rend compte qu’il n’est pas bienséant que Tom se mêle de ses affaires intérieures. Cette attitude de Jerry frise l’hypocrisie parce qu’en interne il tient ces fauteurs de troubles en captivité attendant de les achever, mais estime que fauteurs, ils ne le sont pas assez pour que Tom trop sévère s’en mêle. Et ainsi, Jerry peut se faire une image d’apôtre de la Paix et du fair play, sans doute. A côté, ceux sur les têtes desquelles ces fauteurs ont marché dans leurs courses égoïstes vers la gloire, réclament à leur tour leur « la pendaison ». Ceux-là aujourd’hui ne récoltent pas mieux que du dédain. Leurs têtes idiotes sont tombées « pour la liberté » puisque cela présente bien mieux que « pour que le chef arrive au pouvoir ». Et au nom de cette même liberté, ils devraient assister, sans ouvrir leur bouche rouge de colère, à la mise en liberté en cascade de ceux qu’on a fait croire ou qu’ils croyaient être leurs bourreaux. Enfin, de la défiance parce qu’en face d’un Tom décidé en bloc à en découdre avec ces fauteurs se trouve Jerry, qui lui dit NON.
Dans ce petit jeu du chat et la souris, les jouets sont les Ivoiriens qui n’ont que dalle aujourd’hui et qui, parce qu’impuissants, ont déjà tout pardonné. C’est donc faire preuve de profil bas que de croire que ce qui intéresse l’Ivoirien lambda aujourd’hui, c’est la mise en liberté ou l’inculpation de qui que ce soit de quelque bord politique que ce soit puisqu’ils sont eux-mêmes en prison, même étant dehors. Comment voulez-vous que quand deux personnes se noient l’une appelle à secourir l’autre à son détriment ?
Ce n’est pas le fait d’envoyer ou non M. Blé Goudé et Mme Simone Gbagbo à La Haye qui déterminera les bonnes intentions du pouvoir actuel à aller à une réconciliation vraie. Mais plutôt l’instauration par celui-ci d’un Etat de droit, où chaque citoyen ayant une affaire avec la justice est traité sans complaisance en toute impartialité, sans considération de son appartenance politique ou ethnique. C’est surtout la capacité de ce pouvoir à faire régner une justice qui s’appliquera à tous et non à des minorités au détriment d’autres dans des conditions identiques. M. Blé Goudé ou Mme Gbagbo peuvent être transférés à La Haye et revenir en Côte d’Ivoire parce que non reconnus coupables alors que pour les mêmes motifs ils pourraient être incriminés en Côte d’Ivoire, si la justice n’est pas équitable !
C’est une preuve de souveraineté que de vouloir juger ses compatriotes par la justice de leur pays, mais cela ne devrait pas faire l’objet d’une récupération politique, une tentative à peine voilée visant à prouver sa bonne volonté pour se donner bonne presse à deux ans des échéances électorales pendant que certains des problèmes qui ont conduit au chaos, des années après, demeurent intacts.
Si tant est que MM. Gbagbo et Blé Goudé ou Mme Gbagbo ne sont pas coupables, si les charges contre eux ne sont pas suffisantes pour les incriminer où les faire comparaître devant les juridictions nationales ou internationales et donc leurs responsabilités pénales ne sont pas établies, qu’ils soient purement et simplement remis en liberté, parce que dans ces conditions leur place n’est pas en prison mais dehors où les attendent leurs partisans pour poursuivre le combat pour le développement.
Si, cependant, les charges contre MM. Gbagbo et Blé Goudé ou Mme Gbagbo sont suffisantes pour les traduire devant les juridictions pénales nationales ou internationales, il convient de mettre un terme à ces polémiques infécondes à caractère plutôt distractives , et qu’ils soient jugés et subissent les rigueurs de la loi à la hauteur des faits qui leur sont reprochés.
Que donc toutes ces acrobaties cessent, que le droit soit dit en toute impartialité et que la vie continue pour les Ivoiriens. Le destin de tout un peuple ne saurait être tenu en otage indéfiniment par un groupe d’individus soient-ils au pouvoir ou dans l’opposition. Les défis sont nombreux qui attendent les Ivoiriens après cette forfaiture des hommes politiques à qui ils ont confié leur destin et qui les ont humiliés, piétinés, massacrés non contents de s’être sucrés sur leur dos carapacé par le soleil assassin de la pauvreté alors qu’ils ne demandaient que le minimum pour vivre.
Hier sur Facebook, j’ai reçu ce message d’un jeune diplômé ivoirien, que je nommerai Maxime, qui a failli me faire couler des larmes : « Emile, stp, trouve-moi quelque chose à faire. Je meurs d’oisiveté ». Quand je pense que je suis moi-même à la recherche d’un emploi digne qui m’aiderait à faire face à mes charges sociales et à mener une vie digne et qu’un jeune me supplie de lui en trouver, je comprends le drame qu’il y a.
Maxime est peut-être père d’un enfant dont il n’arrive pas à s’en occuper. Il est peut-être le seul fils de sa famille à avoir fait l’université et obtenu des diplômes pour lesquels ses parents ont tout sacrifié et qui ne lui servent presque pas. Maxime est peut-être l’unique fils de sa mère malade qu’il regarde, impuissant, chaque matin mourir peu à peu. Il est peut-être l’objet des railleries dans son entourage immédiat et a perdu toute sa dignité d’homme à force de vivre des restes de ses amis… C’est tout ça qui justifie son cri. A petit feu, Maxime perd tout espoir après plusieurs tentatives infructueuses de recherche d’emploi. Ne dit-on pas que l’espoir fait vivre ? Quelle différence y a-t-il donc entre un individu vivant et un autre mort si le premier a perdu tout espoir, même celui de vivre ? Si ce jeune homme se meurt , c’est bien de tout ceci, mais cela n’intéresse personne, pas même la presse pour en faire larges échos comme un mandat d’arrêt contre Blé Goudé ou n’importe qui d’autre, des gens qui, même en prison, vivent deux fois mieux que d’autres dehors devenus prisonniers de leur haine suscitée par vos promesses non tenues, vos échecs et vos politiques sociales incohérentes et fantaisistes.
Nous sommes tous des prisonniers dehors ici, à commencer par les jeunes comme Maxime, à libérer au même titre que ceux qui sont dedans. Mon appel ce matin est donc celui-ci, Messieurs, libérez les prisonniers qui sont dehors… peut-être d’abord
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