
La Cyber criminalité en Côte d’Ivoire, parlons-en encore, a de beaux jours devant elle. Il suffit de remarquer la si grande fébrilité qu’affichent les autorités publiques dans la lutte contre ce phénomène, de constater la prolifération des Cybers Cafés dans les coins et recoins d’Abidjan, d’observer la tranche d’âge des Cybers criminels pour s’en convaincre.
Je suivais une émission sur la Radiodiffusion Télévision Ivoirienne (RTI) intitulée “le Magazine du Dimanche” au cours de laquelle, la journaliste recevait le DG de l’Agence des Télécommunications de Côte d’Ivoire (ATCI) – autorité publique chargée de la régulation du secteur des TIC en Côte d’Ivoire.
À la suite d’un ensemble de mesures prises pour désormais lutter efficacement contre la Cyber criminalité en Côte d’Ivoire qu’il évoquait −sans convaincre−, M. le DG, répondant à la question de cette journaliste de savoir “s’il est possible d’identifier et d’intercepter un brouteur en cour d’opération dans un quartier quelconque d’Abidjan”, a donné l’assurance, non sans tituber que, “désormais plus rien ne sera comme avant” parce que “tous les Cybers Cafés au même titre que les puces téléphoniques sont identifiés”. Comme tel, “n’importe qui s’adonnerait à une telle pratique serait facilement repérable″, a-t-il ajouté. Je me suis demandé si le DG savait ce qu’il disait. ″Tous les Cybers Cafés en Côte d’Ivoire sont identifiés !?” “Tous les cybers criminels facilement repérables !?” Le rêve côtoie la réalité. M. le DG n’a certainement jamais été dans mon quartier. Il se serait sinon retenu de faire de telles déclarations.
L’un des nombreux Cybers de mon quartier que je fréquente le plus dispose de seulement cinq ordinateurs. J’y vais parce que, là bas, l’heure est à 100 f CFA contrairement à l’autre en face, bien classe, dans un espace bien aéré et climatisé mais où l’heure de navigation coûte 500f, soit cinq fois plus cher. Je préfère étouffer dans un petit magasin aussi surchauffé qu’un four et payer moins. Rareté de
Dans ce Cyber, donc, viennent à longueurs de journées des cohortes de jeunes internautes aux activités très suspectes. Cela au point qu’ils se sentent en insécurité lorsque celui qui est assis près d’eux leur est méconnu, parle peu ou jette de temps à autre un coup d’œil sur leur écran. Pour ne pas prendre de risque, ils préfèrent fermer et revenir après. Ceci cesse de l’être quand cet «inconnu» leur devient «connu». Je veux dire quand il devient régulier dans le Cyber. Il n’apparaît plus comme un danger. Mon assiduité dans ce Cyber −dû à son coût qui arrange mon portefeuille− en vue de mettre à jour mes Blogs, vérifier mes mails ou simplement communiquer avec des amis via Skype et les Réseaux Sociaux ont fait de moi un «connu» qu’il ne fallait plus craindre. C’est donc ce qui m’a permis de découvrir l’approche qu’utilisent ces jeunes «brouteurs» désœuvrés pour escroquer de pauvres citoyens –généralement des «Blancs» qui, disent-ils, sont de “bons payeurs“. Rien que les voir transpirer à grosses gouttes dégageant une odeur insupportable, mais que le coût de connexion par heure me contraint à supporter, permet de se rendre compte qu’ils n’y sont pas pour ″plaisanter” mais pour “travailler″.
La forme la plus utilisée est l’arnaque sexuelle. Les filles, devant tous, ne se font pas de soucis pour sortir leurs seins d’une rare pointure pour attirer “le Blanc”. J’aurais voulu qu’elles viennent chaque fois que j’y vais m’installer, mais elles y viennent rarement et… la nuit, en général. Or, très souvent à 17h je quitte le Cyber, puisqu’à partir de 18h l’heure passe de 100f à 150. Je préfère faire l’économie des 50f pour demain. C’est une mesure d’austérité. Je ne profite donc pas assez de ces pommes dorées, ces boules magiques qu’en tant réel, même mon argent pour ma connexion de 3 mois ne m’aurait pas permis de voir et que la providence m’offre sur un plateau d’or et dont certaines me font maudire le jour où Dieu a crée la mort. Je me rappelle ce jour où, n’en pouvant plus, j’ai failli demandé à la jeune fille de me laisser toucher rien que le bout pour que le bonheur accompagne ma lettre de demande d’emploi que je m’apprêtais à envoyer par mail quand je me suis rappelé qu’elle était “au travail” et qu’il ne fallait pas la déranger. Car, en ce moment précis, elle peut être dangereuse et pourrait m’asséner une gifle que j’aurais mérité pour “délit de perturbation de personne au travail”.
Les hommes, eux, n’ont ni seins, ni cuisses reluisantes comme celles de ‘Nina Love’, ma voisine de ce jour. Mais ils ne manquent pas de créativité. Leur approche consiste à ouvrir un compte Facebook, Skype et/ou Messenger en utilisant un nom de femme. Ils y mettent quelques photos de femmes. Une Blanche ou une Noir. Pas trop pour éviter tout soupçon. Ils envoient ensuite des demandes d’ami avec le même message : “Je suis tombé par hasard sur ton profil. Tu es un mignon garçon. Si ça te dit, on peut être des amis pour une relation sincère”. Flatté, tu te rends sur sa page et tombe sur des photos d’une belle nana très sexy, une blanche dans des tenues à couper le souffle. “Quoi, une Canadienne aussi belle que celle-ci qui me trouve mignon et veut une relation sérieuse avec moi !? Quelle bénédiction !″, cris-tu. Vite fait, tu acceptes et te voilà dans les crocs du lion.
Mon voisin d’hier soir s’appelait, en tant réel, Lassina Bamba, Bambino pour les intimes… mais sur ses comptes, il se nommait Christiane Delphine. Il est un jeune ivoirien, en tant réel, mais sur Facebook, il est Canadienne. Il a 25 ans, en tant réel, mais il en a 22 sur Skype. Il a sans doute une copine qu’il a peut-être engrossé et pour qui il “travail″, en tant réel, mais est célibataire, sans enfant et cherche une âme sœur sur Messenger. Il cherche de l’argent, en tant réel, mais rassure son blanc que pour lui “l’argent n’a aucune importance dans une relation″. Ce qui compte et ce qu’il, disons ″elle”, cherche, c’est “un homme responsable qui va l’aimer et lui porter beaucoup d’attention”. Tout commence par la confiance. Alors, il faut mettre l’interlocuteur en confiance.
Souvent, ils sont les premiers à dire, “je me méfie des hommes et des internautes”. Arguments qu’ils avancent pour refuser de donner leurs numéros de téléphone. Il préfère une communication par Skype. Ici, ils utilisent des images qu’ils mettent sur un logiciel qui les transforme en vidéo. J’ignore comment. Ils demandent au type de l’autre côté, excité, de se mettre aussi nu. Ce que le Blanc fait pendant qu’ici, ils enregistrent la vidéo. Au moment même où je poste ce billet, je vois un Algérien en pleine masturbation sur skype. Les jeunes ici, s’activent à la capture vidéo. Ils lui demandent ensuite de “présenter son visage”, ce qu’il fait. Pauvre de lui, me suis-je dis avant de détourner mon regard. Quand des mois plutard, le Blanc tarde à faire venir l’argent, ils passent à une autre phase, celle du chantage. Ils sortent alors la vidéo et dévoilent leurs vraies identités, puis menacent la «victime» de publier la vidéo sur le net et ayant pris des renseignements sur son lieu de travail, de l’envoyer sur le site de son organisation. Le voici dans de beaux draps. A qui la faute ? Ne répondez pas.
Le plus marrant de tout ça est que les deux brouteurs peuvent être assis dans le même Cyber et s’arnaquer mutuellement sans le savoir. Puisque souvent, certains cherchent des femmes.
De là à dire que “tous les Cybers Cafés en Côte d’Ivoire sont identifiés et que n’importe qui s’adonnerait à une telle pratique serait facilement repérable″ ne peut que me faire tomber des nuits, sauf si les brouteurs de mon Cyber sont connus mais bénéficient d’une immunité.
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