
Nombreux sont ceux parmi nous, blogueurs, qui disent être arrivés au blogging par passion. Par cette même passion, ils sacrifient plusieurs plaisirs. Certains perdent même des amis chers parce que n’ayant plus de temps à leur consacrer. Ils consacrent à leurs blogs, entre 1 et 2 tiers de leur temps. Ils bloguent avec leur cœur, sans rien attendre ni recevoir en retour. On pourrait, par exagération, parler de sacerdoce lorsqu’on considère le temps, les ressources financières, l’énergie intellectuelle qu’ils investissent dans la gestion de leurs blogs, et dans l’espoir d’être lu.
Certains blogueurs disent écrire pour eux-mêmes d’abord, pour leurs lecteurs ensuite. Ceux-là sont mus par la passion qu’ils ont pour l’écriture et le besoin de s’exprimer. D’autres soutiennent qu’ils écrivent pour dénoncer une situation, pour susciter le changement à travers des propositions. Ces derniers sont motivés par le désir de créer un impact positif.
Qu’il se situe dans l’une ou l’autre des deux catégories ou même dans les deux à la fois, n’importe quel blogueur est ouvertement ou discrètement « hanté » par le souci d’intéresser davantage de lecteurs à son blog tout en fidélisant ceux qui y sont déjà. C’est ici que commence le rapport « blogueur-lecteur », souvent mal géré.
Il n’y a de lecteur que parce qu’il y a un blogueur. Ceci est une évidence. Mais il n’en est pas moins que c’est le lecteur qui fait le blogueur. Un lecteur parle de notre blog à ses amis, qui en parlent aux leurs ainsi de suite jusqu’à ce que se crée et s’amplifie notre lectorat sauf si notre blog est qualifié de site de diffamation ou autre mauvaise considération. Tous les blogueurs savent qu’un lecteur est aussi précieux qu’un client pour une banque ou un magasin de vente. Leur présence massive augmente notre cote de popularité, leurs commentaires nous encouragent, leurs remarques et suggestions nous permettent de nous améliorer. De leurs satisfactions, nous tirons notre fierté. D’où le nécessaire respect mutuel qui s’impose dans cette relation.
Au lecteur s’impose le respect du temps, des efforts, des moyens mis en œuvre par le blogueur pour écrire, publier et faire connaître son blog. Il n’est pas exclu que le blogueur soit moins pertinent au goût du lecteur ou qu’il aborde des sujets sous des angles diamétralement opposés au sien. Mais, il appartient au lecteur de comprendre que le blogueur est loin d’être omniscient, d’où les limites de ses billets et surtout qu’il écrit avant tout selon ses propres inspirations, sur des sujets d’intérêt à ses yeux, lesquels ne sont pas forcement destinés à plaire à tous.
Au blogueur, et c’est à cela que je voulais en venir, s’impose un respect sans réserve pour le lecteur. Mon père me disait un jour ceci : « Mon garçon, chaque fois qu’un inconnu attire ton attention sur ton attitude ou te prodigue un conseil, aussi saugrenu que celui-ci puisse paraître, ce que tu dois considérer, c’est le temps qu’il a passé à le faire ,car rien ne l’y obligeait ». Ceci pour dire que ce qui compte le plus et que devrait considérer le blogueur dans sa relation avec son lecteur, c’est le facteur temps. Le temps que passe un lecteur à lire son billet, à le commenter alors qu’il aurait pu le passer à faire autre chose est ce qui devrait compter.
Ceux qui lisent la Bible savent que même dans toute Sa Grandeur, Dieu se veut reconnaissant du temps que nous, ses créatures, Lui accordons lorsqu’il dit qu’ « une minute dans ses parvis vaut mieux que milles ailleurs ». Une minute d’un lecteur passé sur votre blog est à estimer avec tout le respect qui va avec, même quand c’est pour vous écrire un commentaire injurieux dont vous disposez, au demeurant, le droit absolu de supprimer s’il vous déplait.
Il n’est pas rare de voir des lecteurs qui lisent simplement le titre de votre billet ou au mieux des cas, les deux premières lignes et qui y laissent un commentaire complètement décousu et hors contexte . A sa lecture vous maudissez votre premier jour de blogueur. Nonobstant cela, il faut savoir toujours raison garder.
Certains blogueurs, l’orgueil en bandoulière, sans doute surpris par un succès qu’ils doivent à ces mêmes lecteurs, n’hésitent pas à cracher sur ces derniers lorsqu’ils se montrent durs envers eux. Ceci peut être un style. Mais, ma foi, il n’y a pas plus ridicule qu’un blogueur qui répond aux commentaires, aussi désobligeants soient-ils, d’un lecteur par des termes non moins injurieux. La capacité à accepter les critiques, à concéder aux autres leurs opinions et à admettre que n’ayant pas reçu la même éducation, grandit dans les mêmes conditions et vécu les mêmes réalités, nous ne pouvons penser et ré-agir de la même manière sont, de mon point de vue, autant de critères assez importants que tout bon blogueur ou aspirant à l’être devrait considérer dans sa relation avec ses lecteurs.
En janvier dernier les parlementaires ivoiriens votaient une loi pour reconnaitre à la femme en même temps que l’homme le titre de chef de famille. Suite à un billet dans lequel j’exprimais mon aversion à cette loi que je jugeais creuse parce que ne pouvant pas changer grand-chose à la condition de la femme, une lectrice sans doute responsable d’une ONG des femmes en Côte d’Ivoire, m’a laissé un commentaire discourtois. Entre le choix de le supprimer et celui de le laisser, le second l’a emporté. Cela pour dire à ma lectrice que je considère le temps qu’elle a consacré à mon blog, à lire mon billet et à écrire un si long commentaire. Aussi tenais-je à lui dire que je reconnais à mon billet des limites qu’elle aurait bien de relever et surtout que j’accepte qu’elle ne partage pas ma position quoique dans ma réponse j’ai déploré ses injures dont elle aurait pu en faire l’économie.
Selon Nadine de Rothschild dans son œuvre le Bonheur de séduire, l’art de réussir, « Ecrire est un exercice difficile qui requiert à la fois de la légèreté et de la profondeur, de l’esprit et du tact, de la finesse et de l’à-propos. Dans la conversation, les mots sont soutenus ou contrebalancés par le regard, la voix, le geste. Sur une feuille de papier, ils sont seuls. D’où la puissance et la pérennité du verbe ! » Ceci pour mettre en évidence cet énorme écart entre le blogueur et son texte. Or, c’est au milieu des deux que se situe le lecteur. C’est donc de là que naissent les quiproquos dans la relation blogueur-lecteur.
La seule attitude, je pense, à adopter de part et d’autre pour ne pas mépriser l’effort, le temps et le sacrifice consentis par chacun est de « se mettre réciproquement dans la peau de l’autre » en écrivant ou en lisant un texte. Ce n’est pas évident, mais cela a le mérite de contribuer à préserver cette précieuse relation, car blogueurs et lecteurs forment deux faces d’une même pièce.
Dédié à Rita Flower, une fidèle lectrice !
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