Vous êtes à Dakar pour la première fois ? Vous souhaitez vous rendre dans une organisation quelconque dont vous cherchez le siège? Vous avez besoin d’aide ? Vous ne parlez pas le wolof ? Bah, vous n’avez qu’à faire une chose : retrousser vos manches parce que la « bataille » sera dure. Vivez plutôt ma galère dakaroise de ce mardi 9 avril.

Il est 15 heures quand, au nombre de 6 dans un mini bus, mes amis et moi sommes sortis du siège de l’Agence Universitaire de la Francophone (AUF). L’un allait à l’école Mermoz, deux autres accompagnés de leur guide – un Sénégalais – allaient faire une enquête sur les ‘Taxi Charettes ». Mon binôme Bouba du Mali et moi allions au siège du Conseil des Organisations Non Gouvernementales (CONGAD) pour y faire une interview.
Le premier groupe était bien plus chanceux que mon ami et moi. Après les avoir descendu au quartier Ouakam où se situe l’école Mermoz, le chauffeur, sénégalais, reprend la route en direction du siège du (CONGAD) que lui avait indiqué une de ses compatriotes avant notre départ de l’AUF. A voir le chauffeur acquiescer lorsque celle-ci lui donnait la situation géographique du CONCAG, on pensait pas qu’il connaissait bien l’endroit. Que Nenni!
Il nous conduit jusqu’au quartier ‘Sacré Cœur’. Subitement, il ralentit, se range sur un parking devant un grand bâtiment puis sans éteindre le moteur, descend. Je m’apprêtais à le rejoindre mais il me fait signe de l’attendre. J’ai compris qu’il partait se renseigner. Nous sommes donc perdus, me suis-je dis.
On lui indique un endroit que nous avions en réalité dépassé. Il reprend la route, puis très loin, au parking en face de la Direction des Étrangers et des titres de séjour, il gare le véhicule, éteint le moteur et nous indique le grand bâtiment de la main. J’ai eu des doutes, car je ne comprenais pas qu’un bâtiment qui semblait abriter un service étatique puisse avoir de l’espace pour une association d’ONG. Mais Bouba et moi sommes descendu quand même du véhicule pour nous y rendre. Le vigile nous fit savoir dans un français approximatif qu’aucun service de ce bâtiment ne s’appelait ‘CONGAD’. Il nous conseilla de nous renseigner auprès d’un monsieur qu’il nous indique de la main. Je décide donc d’entrer dans une Pharmacie, pour être sûr que mon interlocuteur parviendra à m’orienter dans un français plus fluide.
La dame que je rencontre avait environ la trentaine. Elle s’exprimait effectivement très correctement en français. Elle me fit savoir que le siège de CONGAD n’était pas à cet endroit mais dans un autre quartier qu’elle nous indique. Le quartier, disait-elle, n’était pas loin. On pouvait y aller à pied. Bouba et moi prenons donc la route à pied en faisant signe au conducteur de nous suivre. C’est aussi l’occasion de découvrir Dakar, cette ville coquette avec ses belles voies. Rue Liberté 222, Liberté 229, Quartier Sacré Coeur… mais toujours pas de CONGAD. Nos jambes commencent à bouder nos cœurs.
Une créature hors de l’ordinaire d’une vingtaine d’années sort de nulle part. Toute la fatigue en moi s’évapore à sa vue. Je profite pour lui demander ma direction : « Bonjour demoiselle… »
Aucune réaction. « S’il vous plaît ! ». Elle jette un coup d’œil rapide et me lance une expression en Wolof qui m’a sonné à l’oreille comme le bruit d’un verre qui s’écrase sur le sol. Je ne comprenais pas, mais en tenant compte du mouvement de ses lèvres, et le ton sur lequel elle m’a répondu, je crois qu’elle voulait me dire “va te faire foutre”.
J’eu l’impression que la fatigue que je ressentais venait de doubler. À quelques dix mètres, nous rencontrons un monsieur qui nous désigne le bâtiment qui abrite le CONGAD. Nous y entrons, mais c’est une autre organisation qui occupe les locaux. La secrétaire nous informe que le CONGAD venait de changer de locaux. Elle nous indique ses nouveaux locaux. Elle n’avait pas leurs numéros. Comme nous ne connaissons pas Dakar, je fais appel au conducteur à qui elle donne l’orientation en Wolof. Je lui demande s’il pourrait se retrouver. Il me répond immédiatement : « Sans problème ! C’est pas loin. C’est là seulement. »
Nous embarquons pour le quartier Patte d’Oie. Le chauffeur s’arrête. Je croyais qu’on y était. Mais, visiblement non. Il se renseigne. Je le suis et me renseigne aussi.
– Bonsoir Monsieur, savez-vous où est situé le CONGAD ?
– Non, moi je suis nouveau ici hein… Vous pouvez demander à l’autre monsieur.
Il m’indique alors un autre vers qui je m’oriente.
– Bonsoir Monsieur… Il ne me répond pas. Monsieur, bonsoir.
– Oui. Bonsoir.
– S’il vous plaît, connaissez-vous le CONCAG ?
– Han ?
Je reprends. « Je demande si vous savez où est situé le bureau du CONGAD ? ». « Nooon, ça vraiment je connais pas… Je suis nouveau ici. » « Dis donc, tous les Sénégalais seraient-ils “nouveaux” à Dakar ? », ai-je rigolé. Je continue vers un autre plus loin.
–Bonsoir Monsieur…
– Nagadef !, me lance-t-il. (Je crois que ça veut dire “bonjour”)
– S’il vous plaît, je cherche le siège de CONGAD…
Il remue la tête sans dire mot. Je reprends.
– Le bureau des organisations de la société civile… On nous a dit qu’il est situé vers ici.
– Non, moi pas français hein… Wolof.
Je me rappelai que j’avais une Maîtrise en Anglais mais pas en Wolof. Nom de Dieu ! Je poursuis vers un autre.
Moi : Monsieur, bonsoir. S’il vous plaît pouvez-vous m’indiquer le siège de CONGAD ?
– CON quoi ?
– CONGAD, le bureau de toutes les ONG à Dakar.
– Eux ils fait quoi ?
Bouba : C’est l’association des Organisations Non Gouvernementales.
– Hann, tu as dis CONCA hein? attend un peu. Il part se renseigner auprès de ses amis et revient vers nous : « CONCA ? C’est eux qui vend les produits… »
– Nooon. J’ai compris que c’était peine perdue. Ça va. Merci monsieur, ai-je conclu.
Doucement, je me suis retourné vers mon ami Bouba et lui ai dit :
» Cher ami, on pourra passer toute la nuit ici, mais on ne verra jamais le CONGAD. Parce qu’au pays de Senghor, les Sénégalais lambda sont soit “nouveaux” à Dakar, ou “ne parlent pas français sauf le wolof”. Puisqu’aucun de nous deux ne comprend le wolof, ce qu’il faut, c’est regagner simplement le véhicule et retourner à l’hôtel. On pourra commencer des cours intensifs en Wolof et revenir dans 5 mois en attendant qu’ils soient anciens à Dakar. »
J’en parlais le lendemain quand d’autres amis m’ont dit qu’ils étaient sortis boire une bière à l’espace Charlie vers l’Aéroport, mais que le chauffeur du taxi les avait baladé de 21h à 23 h en vain. Ils sont finalement rentrés se coucher, donnant l’argent de leur bière au taximan.
Désormais, en faisant ma valise pour Dakar, je prendrai soin d’y ajouter mon dictionnaire de Wolof.
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