
crédit image: babishow2008
Si l’Afrique est dit être le plus vieux continent, l’Europe, lui, est pour les Africains, l’Eldorado. Comme tel, tous les moyens sont bons pour y aller. Quitte à s’évader lors des jeux olympiques, à braver le froid et les vagues mortelles de l’Océan Atlantique ou à s’enfermer dans le coin d’un bateau pendant un ou des mois. Tout ça au puéril de sa vie. Peu importe comment on y vit (dormir dans la rue, sur une table banc au coin de la rue, manger une fois par jour, jouer à cache-cache avec la police…) ou ce qu’on y fait (laveur de cadavre, balayeur de rue, apprenti maçon…). L’essentiel est d’aller en Europe et revenir au pays −si Dieu le veut puisqu’il y en a qui y vont et qui ne retournent plus jamais chez eux parce que ne sachant plus comment ni avec quels moyens revenir− pour se faire appeler le “Benguiste″, c’est-à-dire venu de “Bengué″ avec tous les «privilèges» qui vont avec : la primeur des plus belles nanas du quartier, les honneurs de la famille pour le «fils prodigue», le respect des frères et surtout la «vénération» des amis restés au bercail.
Personne ne veut donc bouder la joie de «jouir» de toute cette grandeur de vie de Benguiste. C’est pourquoi, il faut y aller. Toutefois, puisque tout le monde n’a ni les moyens ni la possibilité d’aller au «paradis», chacun à sa façon crée son paradis où il vit. Et dans ce contexte, les jeunes ivoiriens innovent. Ils ont développé cette profession qui leur permet, sans y aller, de vivre des «grâces» de la terre promise. On les appelle les Ropéros.
Le Ropéro est un individu qui sert d’homme de main du Benguiste. Généralement un ami proche du désormais Benguiste, le Ropéro est l’homme à tout faire de ce dernier devant qui il foule au pied toute valeur (son honneur, sa dignité, sa liberté même). Être un Ropéro requiert beaucoup de sang froid, racontent ceux qui en vivent.
“Les Benguistes sont très exigeants. Avant leur arrivée au pays, ils te demandent de leur trouver un hôtel propre, avec une piscine, une salle de jeu, une boîte de nuit, un bon service. L’hôtel doit aussi ouvrir sur la mer et surtout disposer d’un terrain de golf mais…. Pas cher, de préférence au plus 50.000 fcfa, l’équivalent de 100 Dollars par nuité.” raconte Kouamé, Jeune Ropéro de mon quartier. “Comment avoir un hôtel avec toutes ces commodités à un tel pris à Abidjan ici en 2013-là?″ s’indigne-t-il avant de se résigner “mais on va faire comment ? On essaie de leur expliquer la difficulté et de trouver le juste milieu pour les satisfaire puisque le but c’est de les satisfaire pour avoir de bons pourboires à la fin. Certains comprennent quand ils arrivent mais d’autres nous traitent de tout”.
“Le pire c’est quand ils veulent satisfaire leur libido. Le matin ils demandent une fille de taille fine, le soir, une fille grosse. Ils te demandent une fille de moins de 20 ans puis de plus de 35 ans. Contre tes valeurs mais attiré par l’argent, tu y vas. Quitte à s’en tirer avec des billets de banque pour supporter les charges de la famille″, poursuit Kouamé sur un ton emprunt de dégout.
Les avantages du métier de Ropéro sont multiples. Et c’est ce qui attire de plus en plus de jeunes −femmes y compris− dans cette pratique, disons ce métier, puisque “y’a pas travail au pays”.
Le premier et principal avantage est beaucoup plus d’ordre pécuniaire. Être Ropéro, au-delà de son caractère dégradant, nourrit son homme –du moins dans une certaine mesure. Chaque service du Ropéro est assorti d’argent, pas dans le sens d’une facturation mais sous une forme de pourboire. Le Benguiste l’envoie chercher une nana dans l’autre quartier. Il lui donne 10.000 fcfa soit 20 dollars sachant que le transport lui reviendra à 5000 l’aller-retour. Le reste constitue son «salaire». Ainsi de suite jusqu’à la fin de la journée quand il l’accompagne à l’hôtel et il lui donne son transport retour. Selon Kouamé, ″Avant quand çà marchait, on se retrouvait en une journée avec au moins 30.000 fcfa soit 60 dollars, mais actuellement c’est entre 15 et 20.000”. La Crise économique est passée par là.
L’autre avantage est à titre simplement honorifique. Vous pouvez tomber la belle nana du quartier qui ne roule que pour “les grands quelqu’un″ et sur qui vos talents de tombeur patenté ont toujours échoués. Ceci, en faisant tout pour qu’elle vous voie en compagnie d’un célèbre Benguiste, dans sa luxueuse voiture ou assis dans un Bar de renom où, seul, vous n’y auriez été qu’en rêve.
En outre, le regard sur vous de vos amis de quartier ou de votre entourage changera stricto sensu en vous voyant en compagnie d’un footballeur même de 9ème division de France, pourvu qu’il soit venu de Bengué. On dira de vous que “vous avez percé” ou simplement que ″vous n’êtes pas n’importe qui”, ou alors que ″vous avez des bras long”. Ceci suffit pour rassurer votre propriétaire de maison à qui vous devez cinq mois de loyer. Génial Non ?
Mon ami Bazo avec qui j’ai fais l’Université s’est tiré avec une Licence quand j’avais la Maîtrise. A la faveur de la célèbre Loterie Américaine «Green Card», il s’est retrouvé aux USA où il vit depuis bientôt cinq ans. La dernière fois que nous avions communiqué, il me disait avoir une voiture, être fiancée à une jeune Américaine de parents bourgeois, lui-même travaillant et préparant à la fois son MBA. Il m’a même fais savoir son projet d’achat d’une villa à Abidjan et de l’acheminement très bientôt de sa BMW par voie maritime avant son arrivée pour les vacances prochaines puisque, disait-il, une fois ici, il ne pourrait plus emprunter le Taxi. J’ai éprouvé une folle envie –passagère− puisqu’avec une Maîtrise et un Master en poche, je me retrouve toujours entrain de squatter les murs des entreprises et organismes pour “chercher travail” affrontant l’orgueil des vigiles et le mépris des Secrétaires.
Heureusement que ce Blog me permet de me donner de la contenance en écrivant des billets qui n’ont de valeur que celles que leur accordent mes quelques lecteurs dont certains s’efforcent parfois de laisser des commentaires du type ″très bon article” même quand ils sont convaincus que ceux-ci n’en sont pas un −juste pour m’encourager.
Ce que Bazo ignore est que si emprunter le taxi pour lui est risqué, pour moi c’est un luxe. Demain quand il sera de retour à Abidjan, je roulerai sans doute avec lui dans sa BMW. J’irai en Boîte avec lui. Je prendrai les restes de ses dollars. Je lui chercherai des Nanas. Je lui donnerai même ma Mélissa que je conquis grâce à Mondoblog. Assis lui et moi dans un Bar, il me demandera d’aller voir s’il est à la maison… J’obéirai. Je serai en un mot un Ropéro, son Ropéro… Moi Emile, Ropéro !? Non, Merci.
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