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Présidentielle 2015 en Côte d'Ivoire : dix petits nègres dans une course

Il était une fois, dix petits nègres décidèrent de gouverner les « bouts de bois de Dieu » rassemblés sur une Côte formée d’Ivoire. Ils se lancèrent dans une course. Celui qui franchirait la ligne d’arrivée le premier serait couronné et porterait le titre rocambolesque de président de la République d’Ivoire. Pendant cinq bonnes années, il aurait droit de vie et de mort sur les hommes et les femmes, leurs enfants avec. Il déciderait de quand et où se lèverait et se coucherait le soleil. Que c’est beau le pouvoir, admirent-ils avec des sourires de fin de banquet. Ils donnèrent des instructions à leurs griots qui sortirent les grelots, parcoururent villes, villages et campements annonçant la bonne nouvelle faisant des citoyens, des disciples. Dans l’euphorie de l’attente du coup d’envoi de la course, les dix petits nègres prirent des verres de cognac, mais trop forts, qui les emportèrent dans des tourbillons si puissants qu’ils leur firent perdre la tête au point que chacun se mit à délirer promettant ciel et terre.

Pendant ce temps, à côté, se trouvèrent les aigris. Cachés derrière leurs fenêtres, ils tirèrent le rideau et regardèrent d’un œil moqueur ces athlètes. Ils maudissaient à voix étouffées le géant parmi eux, ce natif d’ailleurs, ce méchant, cet incompétent, cet usurpateur et surtout cet assassin, trouvèrent-ils, pour avoir dépourvu le guerrier, leur idole, de tous ses attributs de combats et contribué à sa mise en cage loin là-bas.

De son côté, l’arbitre coincé dans sa tenue qu’il n’en veut visiblement plus est sorti le matin et a donné le coup d’envoi en criant : Bayéééété !! En cœur, les dix petits nègres ont répondu, Baaaba !!! Signalant ainsi qu’ils étaient prêts. Mais en réalité, tous n’aspiraient pas réellement à la couronne du chef. Car, parmi eux, il y avait des arnaqueurs, des commerçants d’attiéké, mais aussi des gens qui cherchaient des moyens pour se faire payer leurs créances. A la fin, l’histoire a fait penser à celle que racontait Agatha Christie dans son célèbre œuvre « Les Dix Petits Nègres ». Si l’œuvre devrait être rééditée et l’histoire adaptée à chaque pays, ou à chaque circonstance, dans celle actuelle de la Côte formée d’Ivoire, elle ressemblerait à celle-ci:

Dix petits nègres décidèrent de gouverner ceux qui n’y voient rien ; l’un d’eux jura de lutter contre l’égoïsme, la corruption et la pauvreté, de rapporter beaucoup d’argent à la caisse publique pour le bénéfice de tous. Un matin, une main géante tira de cette même caisse, 100 millions et les lui tendit. Il les saisit et les cacha dans les tréfonds de sa poche. Quand on lui rappela son serment, il répondit à voix basse que ce n’était que le remboursement d’une partie de sa créance. Il fondit dans la nature et il n’en resta plus que neuf.

Neuf petits nègres s’obstinèrent à présider aux destinées de 22 millions de têtes noires. L’un d’eux banda ses muscles, sortit sur la place publique tambour battant et, micro à la main, invita ses adversaires au combat. L’écho parvint aux adversaires qui le rejoignirent parés de leurs accessoires de combat. Lorsqu’il entendit le coup d’envoi, il trouva que la posture et le moment choisi par l’arbitre pour ouvrir le combat présageaient son parti pris. Il se retira dans sa tanière la tête baissée comme un cocu débouté, et il n’en resta plus que huit.

Huit petits nègres décidèrent d’étendre leur règne sur 322 462 km2. L’un d’eux s’étonna que des citoyens paient pour circuler sur de simples tas de briques superposées sur leur propre lagune, dans leur propre pays. Il se tint sur le tas de brique au milieu de l’eau et jura sur ce qu’il lui restait de cheveux sur son crâne décoiffé par les années passées à compter des billets de banque qu’avec lui, plus personne n’aurait à sortir un seul sou pour traverser. Pris dans son tourbillon causé par son verre de cognac trop fort, il glissa et se retrouva dans la lagune. Sentant sa noyade venir, il se retirera de la course toute honte imbue. On ne parla plus de lui, et il n’en resta plus que sept.

Sept petits nègres quittèrent le starting-block vers la ligne d’arrivée, tous zélés comme de nouveaux couples. On les fit asseoir et leur tendit le micro les invitant à proposer leurs remèdes contre les maux dont souffrent ceux qui n’y voient rien. L’un d’eux se rendit compte de la complexité de la vie, s’étonna et s’écria : « Mais, c’est complexe hein ! ». Les gens méchants lui infligèrent un violent coup de pied dans le cul l’invitant à aller simplifier ses remèdes. Il s’en alla par une fenêtre complexe, et il n’en resta plus que six.

Six petits nègres promirent de remuer le ciel pour faire pleuvoir les étoiles et faire scintiller le bout de terre où vivent les gens qui n’y voient rien. L’un d’eux se crut dans un royaume, se vêtit comme un chef de canton, et, dans un langage approximatif empreint d’arrogance et de suffisance, décida d’arnaquer ses futurs administrés. On le surnomma « Nikki. Nikki» qui voulut « n—-r finit par se faire n—-r par les gros n——s ». Il n’en revint pas et voulant se tenir debout, se mélangea dans son accoutrement, s’écroula et se cassa la grande gueule. Il se tut et s’étouffa, et il n’en resta plus que cinq.

Cinq petits nègres se lancèrent dans une course qui exigeait assez de ressources financières pour la préparation. L’un d’eux reçut une offre providentielle de 100 millions de franc. Son épouse se mit à narguer les voisines. Son propriétaire de loyer à qui il devait 18 mois lui assura son amitié. Il voulut cependant séduire par son sens d’intégrité débordant qui excelle les limites du raisonnable. Il refusa l’offre au grand désarroi des siens. Tout le monde le prit pour un fou et lui tourna le dos. Même son épouse et ses enfants le vomirent pour sa naïveté. Il s’essouffla et s’écroula après 10 mètres de course. On enjamba son corps et il n’en resta plus que quatre.

Quatre petits nègres croyaient en leur chance de terminer premier de la course. L’un d’eux trop sûr voulu innover dans les promesses. Dans la tourmente de son verre de cognac, il promit de rendre la Côte formée d’ivoire durable. Mince !! S’écrièrent les « bouts de bois de Dieu ». Un ivrogne qui avait entendu la promesse se releva de son caniveau et lui dit « Puré, vous mentez hein ! ». Depuis leurs salons, les » bouts de bois de Dieu » le huèrent et s’accordèrent à le rendre opposant durable. Il en fut ainsi. Il retourna dans l’opposition réfléchissant comment rembourser ses dettes contractées pour la course et il n’en resta plus que trois.

Trois petits nègres promirent de faire de la terre d’éburnie, le centre du monde, d’y faire pleuvoir des milliards, de construire des gratte-ciels rien qu’en vendant de l’attiéké à la Chine. La nouvelle parvint aux Chinois et le gouvernement chinois non content qu’on veuille s’enrichir sur le dos de son peuple interdit l’importation d’attiéké. Il ne sut plus que faire avec ses tonnes produites. On l’obligea à les avaler lui-même. Il en consomma une si grande quantité que son ventre s’explosa. On jeta ses restes aux chiens, et il n’en resta plus que deux.

Deux petits nègres considérés comme les plus sérieux de la course avançaient à grands pas vers la ligne d’arrivée. L’un d’eux croyant pouvoir compter sur les membres de sa famille qui l’avait du reste renié, se trompa. Il cognac, du front, le mur et tomba raid évanoui. Les aigris sortirent leur langue derrière leur fenêtre en signe de moquerie et entonnèrent en cœur « C’est bien fait pour toi ! On t’avait prévenu ». Quand il se releva, il se mit à courir vers le Sud, on lui signifia qu’il avait perdu le nord où il fallait aller. On le consola de son échec qu’il admit. Il s’essuya les larmes, retourna s’asseoir et il n’en resta plus qu’un.

Un petit nègre réussit à franchir la ligne d’arrivée dans un temps record de 83,66 secondes. On le couronna et l’appela NANADO. Personne ne cria au scandale. Même certains de ses adversaires lui firent un baiser pour le féliciter, question de se donner de la contenance et se refaire une image mise en lambeaux par la rude épreuve de la course. L’arbitre se tint sur la place publique et mit fin à la course. NANADO devint président de la République de la Côte formée d’Ivoire avec tous les droits. Les lampions s’éteignirent et on en parla plus.

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bela

Commentaires

Emile Bela
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Vos mots pour le dire ici!

Jacmen Kouakou
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Histoire émouvante qui ressemble un peu aux dernières élections présidentielles en Cote d'Ivoire. Je suis content de cette fin calme et rassurante de l'histoire "Dix petits Nègres". Stay blessed Neveu

Blanche Monsia
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Ce texte est à l'image de ce que nous avons vécu ici en Côte D'ivoire, c'était vraiment comique . Le deuxième paragraphe et tout le reste me font marrer.C'est avec plaisir que j'ai parcouru toutes ses lignes.
Bonne continuation.

Emile Bela
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Merci d'être passée et à bientôt pour un nouveau billet.

Amitiés,

Benjamin Yobouet
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Eh oui, on n'en parla plus. Mdrrr;

Vraiment très original et empreint d'humour ton billet Emile. Il permet même s'il est un peu "voilé" lol de comprendre et revivre la course à la présidentielle de la république de la Côte formée d’Ivoire comme tu l'as si bien inventé.

Excellent; comme d’habitude d'ailleurs !

Emile Bela
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Merci d'être passée et à bientôt pour un nouveau billet.

Amitiés,

Eugenio
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Emile...respect !
Le parallèle est éblouissant et ta narration parfaite.
On ne fait même pas attention aux baffes que tu infliges aux différents candidats ( pardon, aux petits cochons ) tant tu y mets la forme.
Bravo !