Ce billet, j’ai hésité pendant longtemps avant de l’écrire pour trois raisons. D’abord parce que l’histoire peut sembler banale pour certains. Ceux-là n’ont pas tord. Ensuite, parce qu’elle peut paraitre, pour d’autres, une preuve de ma naïveté. Je les comprendrais. Enfin, parce qu’elle peut sembler, pour d’autres encore, trop personnelle pour être racontée ici. Je comprendrais également ces derniers. En règle générale, je parle peu des choses trop personnelles sur mon blog parce qu’être toujours le héro de ses billets fini par avoir un arrière goût d’égocentrisme et l’un des mérites que cela a c’est de plonger ses lecteurs dans une monotonie qui leur fait de plus en plus trainer les pas pour y revenir −du moins c’est ce que je pense.
J’ai une diversité de lecteurs qui, je le crois, veulent avoir mon point de vue sur un tel ou tel sujet plutôt que mon humeur du jour, mon plat préféré, mes sorties à la plage, mes rapports avec ma famille etc. Cela dit, je ne condamne pas ceux qui le font. Au blogging, chacun a son style. En plus, il n’y a pas forcement de mal à s’ouvrir aux autres. Si je le fais rarement, ce n’est pas non plus parce que j’ai quelque chose à cacher sur ma personne, mais c’est simplement par principe.
Si j’ai décidé cependant de raconter l’histoire qui suit, c’est pour me libérer. Rien que ça ! Me libérer du sentiment d’humiliation, de naïveté et de colère qui m’anime en y pensant.
La dernière fois que j’ai écris sur le sujet de l’homosexualité, c’était il y a deux ans −plus exactement en Avril 2013. Mon billet, jugé homophobe au goût des encadreurs de cette plateforme Mondoblog qui héberge ce blog, a été dé-publié avant même que je ne reçoive le mail de notification. Du reste, c’est un lecteur Camerounais qui me l’a signalé avant que je ne m’en rende compte. J’ai depuis lors mis une croix sur ce sujet. Mon éducation et l’opportunité que j’ai eu de voyager dans différents pays et de fréquenter des personnes de différentes cultures, ont fait de mois une personne culturellement sensible et davantage tolérant envers les autres. J’ai appris à comprendre et accepter l’autre tel qu’il est, sa culture, ses habitudes, ses choix, son identité tout court −sans le juger. Mais lorsque ce caractère de moi est pris pour de la naïveté et que cet autre veut m’amener à adopter ses valeurs au détriment des miennes les faisant passer pour supérieures, cela frustre forcement et pousse à sortir de sa coquille.
Le 29 Avril dernier, l’une des responsables d’une institution ouest africaine basée au Ghana où j’ai travaillé en 2012 est arrivée à Abidjan pour une mission. Elle m’a contacté et m’a sollicité pour faciliter son séjour –comme, entre autres, lui trouver un véhicule, obtenir un rendez-vous avec un tel etc. Au dernier jour de sa mission, mon ex-patronne m’a invité à diner au 331, un restaurant un peu chic de Cocody. Face à face, nous dînions et comme il fallait s’y attendre, nous rappelions quelques souvenirs du travail dont certains, du fait du stress qu’il y avait, faisaient rire. On souriait, on riait beaucoup. À côté de notre table est venu s’installer un homme blanc dont j’ai su plutard qu’il s’appelait Grégoire Putain −donnons-lui ce nom− de nationalité française. L’arrivée de Grégoire n’a pas perturbé notre causerie.
Ce qui va cependant l’être, c’est le regard de plus en plus appuyé que Grégoire portait sur moi avec un air très sérieux. Un moment donné, ma patronne et moi nous en sommes rendus compte et moi j’ai éprouvé beaucoup de gêne puis de la peur. J’ai fouillé rapidement dans mon « répertoire »; je me suis fais repasser mes derniers amis à la peau blanche pour savoir si je ne venais pas là de rencontrer un que j’avais perdu de vue depuis longtemps. Non, ce visage m’est entièrement inconnu. Ma patronne aussi gênée que moi a profité de ce silence que nous a imposé cet inconnu pour aller se soulager. J’en ai moi aussi profité pour étrangler la peur en moi et ai tenté de confirmer ou infirmer mes doutes.
Moi : Bonsoir Monsieur…
Lui : Bonsoir ! me répond-il systématiquement comme si c’était ce qu’il attendait. Sa mine s’est desserrée et il m’a sorti ce type de sourire qu’on fait après avoir remporté un bras de fer entre copains.
Moi : Excusez-moi, est-ce qu’on se connaît quelque part ?
Lui : Non…. je…. ne crois pas …. Répond-il avec hésitation comme s’il avait eu l’envie de me dire bien sûr que si, idiot !
J’ai voulu alors continuer pour l’interroger sur son regard trop appuyé sur moi, mais il ne m’a pas laissé le temps.
Lui : Désolé, je sais que je vous regardais trop longtemps, mais… en fait… vous avez un très beau sourire! Un compliment, ça n’a jamais fait de mal à personne. N’est-ce pas? Surtout que les filles d’Abidjan de plus en plus intéressées se moquent des mecs aussi fauchés que moi, tel un propriétaire de Fastfood en période de Ramadan a Niamey, au point de ne même pas s’arrêter pour apprécier mon sourire chaque fois que je leur dis bonjour.
Moi : Merci ! Ai-je répondu sur un ton désintéressé, du genre oooh vous savez hein ça on me le dit chaque fois hein; alors que Mélissa, ma Mélissa m’a toujours reproché d’avoir de grosses dents et une bouche qui pue. Moi Emile, ma bouche sent !? Eh Allah ! Quand une femme ne t’aime pas ce n’est pas bon dèh ! Nous avons continué.
Lui : Je suis sincère, vous avez vraiment un mignon sourire. Quoi !? Un beau, puis un mignon sourire ? Obama aurait donné sa fille Sasha en mariage à Ben Laden si ce dernier lui avait fait un tel compliment. Cette fois-ci alors, moins tendu, je lui ai souri jusqu’aux oreilles. Et quand il a ajouté, en plus vous êtes élégant, j’ai failli déchirer ma bouche. J’ai sorti toutes mes 32 dents. Le seul regret que j’avais à cet instant, c’était que Mélissa n’était pas là pour me voir être complimenté ainsi par mon ami garçon, un inconnu, de surcroît un BLANC. ! Ciel et terre ! Je souriais, disons, je riais tellement que j’ai oublié cette sagesse de mon grand père qui dit «n’importe qui flatte le crocodile peut se baigner tranquille ». Je lui ai alors demandé si c’était sa première fois en Côte d’Ivoire pensant qu’il serait un de ces agents secrets occidentaux cherchant des amis avec qui discuter pour collecter leurs informations à des fins qu’on connait tous. Je lui aurais conseillé de s’arrêter à un coin de la rue pour voir les belles filles passer −Dieu seul sait qu’il y en a à profusion à Abidjan, parmi lesquelles trouver celles au teint noir paraît une tâche plus difficile que brosser les dents d’un crocodile affamé− et, avec un peu d’insistance avoir une pas moins bavarde, oui nos filles là parlent trooop, qui lui tiendrait une galante compagnie et lui dirait où est passé la prime des joueurs et pourquoi le Ministre des sports ivoirien a été démis de ses fonctions ; D’ailleurs, Monsieur le Ministre, ça vous laissera assez de temps désormais pour animer compte twitter… Grégoire m’a répondu qu’il y était depuis deux semaines et qu’en plus il était à son deuxième séjour en tant qu’enseignant dans une université publique.
« Enseignant à l’Université !? » Ma question qui a immédiatement suivi était de savoir s’il avait des publications. « C’est au fond de la marmite que le chat friand de poisson laisse toujours sa tête », m’a toujours répété grand père. Mon amour pour les livres m’a entrainé là où je vous emmène.
Il m’a répondu oui, et au moment de les citer, nous avons vu ma patronne revenir. Il m’a tendu sa carte de visite où il a prit soin de mentionner son numéro d’Abidjan et a insisté que je le rappelle le lendemain puis m’a indiqué son hôtel à Cocody. Ce lendemain, l’avant-veille de mon départ de la Côte d’Ivoire, après la librairie de France au plateau pour m’acheter des livres à emporter, autour de 12h j’ai sauté dans un taxi pour me rendre à Cocody. Au lieu du Rendez-vous, le fameux restaurant de la veille, j’ai appelé Grégoire, mais il m’a dit qu’il était à son hôtel où il attendait « un email important » donc ne pourrait plus sortir et souhaitait que je l’y rejoigne. Bon, jusqu’ici je n’y vois rien de mal surtout que je pourrais revenir avec au moins un livre. A la réception, j’ai demandé au mec de m’annoncer pour que Grégoire descende. Grégoire m’a rappelé qu’il «attend un email assez important » et que je pouvais « monter sans soucis pour qu’on discute.» Avant de monter, j’ai repris ce refrain que connaissent tous les Geeks: « Quel est le mot de passe du Wifi ? » Si j’avais su ce qu’il m’y attendait, j’aurais plutôt demandé le manuel « comment ne pas se faire enculer dans un hôtel par un blanc en 5 étapes ? »
A suivre…
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