Cher Père Noël,
Les années passent et se surpassent. Elles se suivent et se succèdent avec leurs cortèges de bonheur et de malheur, de joie et de tristesse… Chaque année, comme à l’accoutumée, tu viens et tu t’en vas. Cette année comme l’année dernière, tout comme depuis Mathusalem, tu descendras du ciel les mains chargées de cadeaux pour distribuer aux bons élèves de la classe. Aux plus mauvais, tu donneras des coups de botte dans le cul pour qu’ils aillent se faire fouiller la couille par les cafards. C’est bien !
Mais avant ton arrivée cette année, il m’a semblé nécessaire de te donner quelques nouvelles d’ici. Cher Père Noël, l’année qui s’achève a été bouillonnante en actualité de tous genres. Retiens juste celles ci.
Au Brésil, l’Allemagne a laminé le pays du ballon rond en demi-finale de Coup du monde par 7 buts à 1 avant de remporter le trophée. La pilule a été difficile à avaler au point de laisser un goût amer dans la gorge de tout un peuple.
En Israël, l’homme fort du moment a pilonné des millions de Palestiniens, dont des femmes et des enfants, innocents. Tout cela au nez et à la barbe du fameux monstre dit communauté internationale qui, en sommes-nous rendu compte, n’a de force pour agir que lorsque cela se passe ici, chez les damnés de la terre. Pendant ce temps, un dimanche à l’église, mon pasteur nous a demandés de prier pour Israël parce que la Bible dit qu’Israël est une terre bénie et quiconque la bénirait serait à son tour béni. Je suis sorti fumer une cigarette.
Aux Etats-Unis, pour ton information, Cher Père Noël, tuer un Noir du type Michael Brown n’est plus un crime à punir. Non, les cours de droit de l’homme qu’ils enseignent aux chefs de classe têtus que tu as mis à la tête de tes élèves d’Afrique ne s’appliquent pas partout. Il faut bien des exceptions pour que la règle ait un sens. N’est-ce pas ?
En France, oh là là, Cher Père Noël, toi qui es plus proche de Dieu au ciel, avant de venir, demande-lui de rendre les femmes moins belles là-bas pour rendre la vie moins difficile aux hommes. Ils ont de sérieux problèmes avec les fesses des femmes. Au point que même le premier d’entre eux a troqué sa luxueuse bagnole contre un minable scooter pour éviter les embouteillages en allant prendre un coup rapide (après le boulot), chez une de ces nombreuses actrices aux déhanchements mortels. Ne pouvant supporter le coup, la titulaire s’est tirée et m’a laissé une note pour toi que tu devras lire dans laquelle elle te dit « Merci pour ces Moments » de joie que tu apporteras.
Cher Père Noël, quand tu auras fini dans l’Hexagone, rends toi au « calamity land ». La terre des calamités. Si je veux parler de l’actualité là-bas, il me faudra un livre. Mais avec ton âge, tu devrais avoir mieux à faire que de lire ces cochonneries. Je mentionnerai donc quelques cas.
Au Sénégal, il s’est tenu le sommet de ceux des élèves qui ont en partage la langue française. Et comme il fallait s’y attendre, les chefs de classe ont étalé leur égoïsme et confirmé à nouveau l’utopie du projet rocambolesque des Etats-Unis d’Afrique. Divisés, ils se sont vu arracher le commandement du navire francophone par une gamine bien éduquée puis se sont mordu les doigts. Mais le comble, comme tu le sais, est que le Sénégal c’est l’amphithéâtre où se rendent les professeurs pour dispenser les cours magistraux de bonne pratique aux étudiants en matière de démocratie. Il fallait s’y attendre. Le professeur-conducteur de scooter était là comme son prédécesseur, il y a quelques années, il devait parler et il a parlé. Ça a fait grincer les dents. Mais tant pis !
En Côte d’Ivoire, tout vit et respire au rythme de l’émergence à l’horizon 2020. Tu fais des avances à une jeune fille, elle te dit d’attendre à l’horizon 2020. Tu encaisses ton crédit, le créancier t’invite à repasser à l’horizon 2020. La seule chose qui n’attend pas 2020, c’est quand ton voisin te surprend dans son lit avec sa femme, le coup de poing c’est à l’horizon immédiat !
Et puis Père Noël, là-bas la technique est bien trouvée pour rester longtemps au pouvoir. Il suffit d’offrir un pont à quelqu’un. Le jour de sa réception, il te donnera deux mandats et toi, dans l’émotion, au lieu de dire dans sa tête, tu diras dans « son tête ».
Mais, il n’y a pas que ça. Il y a les enfants de la voisine d’à côté dont le père devenu trop gênant a été mis en lieu sûr par les pharisiens. Le premier fils dit, comme papa est empêché, je vais me mettre devant vous pour aller combattre Hérode en 2015 et organiser son retour. Il est aidé de certains enfants. D’autres par contre le trouvent trop prétentieux. Ils jurent que papa reviendra, c’est sûr, ou même que depuis chez les ravisseurs, il dirigera la famille et le village. Alors, on assiste à une bagarre rangée sous les yeux moqueurs d’Hérode et les pharisiens. Les chaises s’envolent. On se tête, on s’entête. On s’empoigne, on se poignarde. Finalement, on s’en remet à Hérode pour trancher. A qui donnera-t-il raison à ton avis ? J’imagine ton visage se froisser de dégoût face à une telle déchéance.
Au pays des hommes intègres, oui, je parle du Burkina Faso que tu connais bien pour y avoir pleuré Sankara et Norbert Zongo lors de tes précédents passages et dont le sang réclame justice depuis des décennies en vain. Là-bas donc, le Baobab s’est écroulé. L’éléphant voulait à nouveau jouer au cache-cache avec les magnans, ils se sont cette fois-ci saisis de sa trompe, y ont pénétré et à coups de piqûres violentes, ont fini par le sortir de la forêt. Le Lion sortant ses griffes voulait à son tour régner, mais les magnans ont dit « Never !». Ils lui ont préféré l’antilope docile, facile à culbuter au cas où elle tenterait de prendre des racines.
Au Mali, le chef de classe venu réunifier les bouts de bois de Dieu massacrés par les barbus sanguinaires. Il n’a pas fait mieux que s’offrir un luxueux avion pour aller dîner avec son meilleur ami aux Bahamas et venir dormir chez sa maîtresse aux Antilles avant de retourner piailler démocratie et développement à Bamako.
En Guinée, au Liberia et en Sierra Leone, le sida que tu as trouvé à ton arrivée l’année dernière et qui mobilisait l’aumône de la communauté dite internationale n’effraie plus personne. Non content de voir trop d’énergumènes se sucrer sur son dos, le diable, ainsi parle un pasteur, qui avait fait venir sa maladie a vite fait d’en trouver une autre qu’il a appelée Ebola. Quand tu y descendras, s’il te plaît, ne sert la main à personne. N’embrasse personne. Tiens-toi à bonne distance et jette aux bons élèves leurs cadeaux puis file chez toi. S’il te plaît, en allant, n’attend pas Camairco ou AIR Côte d’Ivoire parce que tu attendras longtemps avant d’embarquer, surtout ne monte pas à bord de Malaisian Airways pour ne pas disparaître après les nuages. Rentre chez toi vivant pour nous revenir l’année prochaine à la même date pourvu que Dieu te donne longue vie, parce que ton âge avance et nul ne sait si tu vivras encore longtemps.
Au Nigeria, NON. S’il te plaît Cher Père Noël, n’y va pas. Il y a Boko Haram là-bas. Ils sont prêts, ces gens à t’exploser à coup de roquettes et incendier ton accoutrement après t’avoir longuement sodomisé, tout ça au nom d’un dieu sanguinaire imaginaire. Eux, ils ont enlevé 276 de nos sœurs. Si tu y mets les pieds, voici le message à titre posthume de notre campagne publicitaire sur Twitter: « #BringBackOurPèreNoël VIVANT », même nu et enceinte!
Voici quelques nouvelles, Cher Petit Papa Noël. A toi de savoir où mettre les pieds, quand tu descendras du ciel avec les jouets par milliers… !
Bien cordialement,
Signé, un de tes TRÈS BONS élèves qui attend son cadeau.
Joyeux Noël à tous mes Lecteurs et Lectrices!
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