Monsieur Sidy Diallo,
Cher Président,
Vous savez, il y a des échecs qui honorent dans une certaine mesure, mais il y en a d’autres qui humilient l’intéressé au point de l’anéantir jusque dans ses tréfonds.
Face à une équipe de la Grèce à l’agonie qu’on ne vous demandait pas plus que de la résistance à défaut d’un coup fatal, pour la conduire au cimetière, vos troupes et vous aviez étalé, une fois de plus, aux yeux du monde entier votre incapacité, cela au mépris de millions de cœurs qui battaient pour vous. Les moins résistants ont rangé la clé sous le paillason au coup de sifflet final. Vous étiez en ce moment là très loin et n’aviez eu aucune idée de l’ampleur de la situation je vous informe que pendant que la coupe du monde battait son plein au Brésil, la Côte d’Ivoire flottait sur l’eau. Les maisons se déracinaient, au moins 23 personnes y ont laissé leurs vies. On ne dormait plus que d’un œil. Les Populations de San-Pédro, Grand Lahou et Fresco voyaient un jour de plus comme une Grace Divine ! Malgré tout, elles préféraient sauver leurs postes téléviseurs au détriment d’autres biens, rien que pour vous suivre parce qu’elles rêvaient et y croyaient, éveillées, de vous voir passer au moins le premier tour. ce n’était quand même pas trop vous demander!
Mais vous et votre cohorte avez décidé autrement et avez fait de Fortaleza le cimetière de leurs rêves, ces « rêves maudits » dont parlait Foua Ernest de Saint Sauveur. Vous portez aujourd’hui sur votre dos, les stigmas de cet échec de Brésil 2014. Votre troupe et vous êtes rentrées du Brésil en rang dispersé, toutes vêtues de honte, contrariées, les épaules rentrées, courbant la tête, l’honneur en lambeaux comme des cocus déboutés. Mais les ivoiriens savent pardonner, même les forfaitures de certains de leurs leaders parce qu’ils savent que quiconque fait de la grenouille un roi ne devrait pas s’étonner de l’entendre coasser et comme jamais le maïs n’a eu raison de la poule ils ont appris à demeurer dignes -dans la douleur. La décennie de guerre leur a appris à ruminer leurs colères et supporter leurs douleurs dignement, sans violence ni rancoeur. Ils ne vous tiennent donc pas rigueur.
Cher Président,
Il est vrai, me répétait chaque fois ma mère quand j’étais plus jeune, qu’on ne parle pas la bouche pleine. C’est donc possible qu’après une compétition aussi juteuse que la Coupe du Monde, vous ayez la bouche trop pleine pour parler. Mais quand vous auriez fini de bien mastiquer vos restes cachés dans les couloirs de vos joues, nous les ivoiriens vous demandons une seule chose : Parlez-nous ! Au pire des cas, vous pouvez le fait faire par votre Vice-président, comme d’habitude.
Si cette lettre vous parvient dans votre bureau de verre de Treichville, si dans votre calendrier vachement chargé vous trouvez un bout de temps pour lire cette missive, si vous parvenez à cerner le sens de chaque mot ici écrit, s’il vous reste un minimum de considération pour vos compatriotes que nous sommes, je m’en vais vous dire ceci : Les ivoiriens ont soif de vous entendre leur faire un bilan de Brésil 2014, Rien que ça ! Ne vous souciez pas du reste.
Ainsi, vous vous rendrez service à vous-même. Vous ferez taire vos détracteurs et surtout les maisons de presse (écrite, en l’occurrence) vous béniront pour avoir aidé à écouler leurs parutions du lendemain. Les ivoiriens murmureront entre deux plats d’Attieké ou entre deux gorgées de Bières dans un Bar de Yopougon, et se rappelleront qu’on ne peut espérer mieux d’un agneau envoyé à la chasse d’un loup que de revenir en lambeaux à défaut de se faire avaler par un python méchant rencontré sur son chemin. Ils se tairont et leurs colères qui n’avaient d’égale que leur naiveté disparaitront aussi rapidement que des étoiles filantes d’un destin avarié.
Vous voyez donc, Monsieur le Président, que vous n’avez rien à craindre. Vous ne pouvez pas vous taire comme si rien ne s’était passé. C’est quand même la bagatelle de 2 574 048 775 F CFA qu’a couté cette expédition. Peu importe la source. Il est reconnu de tous que celui qui écoute souffre plus que celui qui parle. Vous n’avez donc pas à craindre pour nos oreilles. Peu nous importe les souffrances de plus, de trop, que nous infligera ce qui sortira de votre bouche. La bouche est faite pour parler, les oreilles pour entendre. Votre bouche fonctionne bien, nos oreilles aussi. Où es donc le problème ? Attendiez-vous que les ivoiriens vous donnent la parole ? Vous l’avez !
Parlez-nous des velléités de conflit de capitanat au sein du 11 national. Expliquez-nous les véritables raisons des démissions en cascade de certains de vos collaborateurs dont messieurs Ahmed Fofana et Brizoua Bi avant même que vous n’embarquiez pour le Brésil. Donnez-nous les raisons de la démission du coach Lamouchi, juste 15 minutes après la défaite. Justifiez les raisons de votre confiance placée en ce coach, laquelle vous a conduit à défier tout un peuple réclamant sa démission. Parlez-nous en un mot des problèmes réels de la Fédération Ivoirienne de Football qui conduisent à la dégringolade de l’équipe nationale. De 2011 à 2014, en trois ans, nous sommes passé de la 15e à la 23è place. Donnez-nous les raisons. Voici ce que je vous demande, des milliers d’ivoiriens avec moi.
C’est prétentieux pour moi de parler au nom de tous les ivoiriens, je le sais, mais je ne suis pas non plus sûr que mon attente sois contraire à celle de la majorité d’entre eux, d’Abobo à Port-Bouet, de Tingrela à Tabou en passant par Yamoussoukro pour ne rien dire de Toulepleu et d’Aboisso.
Encore une fois donc, Cher Président, vous avez la parole. Parlez, parlez sans vous soucier du reste, nul ici n’est votre égal !
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