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Les Eléphants ? Mélissa ? Mes invitées ? Qui Pleurer?

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Serey Dié, Joueur des Eléphants
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La magie du football réside dans sa capacité à attendrir même les cœurs de pierre. Je me souviens de cette vidéo qui circulait sur le net d’un groupe de rebelles au Nord Mali, le fusil à côté entrain de suivre un match de football lors de la CAN 2013. Grâce au football, au moins des vies ont été sauvées, du moins pendant 90 mins.

Mon cœur d’amoureux du ballon rond s’était endurci après la pitoyable défaite de l’équipe nationale de CI, pour ne pas dire « les éléphants » à la finale de la CAN 2012 face à une petite mais fougueuse équipe de la Zambie, les Chipolopolos. Je vivais et travaillais au Ghana en ce moment. C’est d’ailleurs là que je me suis rendu compte que contrairement à ce que claironnent les hommes politiques à longueurs de journées, le Ghanéen ne porte pas vraiment l’ivoirien dans la partie clémente de son cœur. Je vous épargne des détails.

Comme tout patriote, j’ai éprouvé de la peine pour mon pays, de la compassion pour ces millions d’ivoiriens meurtris par la douleur de cette défaite avant d’éprouver de la colère contre le 11 national. C’est cette colère mesurée et justifiée qui m’a éloigné de la chose footballistique. Quand la débâcle de 2013 est survenue, celle-ci n’a fait que renforcer cette colère la muant en haine, non pas pour le foot mais pour chaque joueur de l’équipe nationale. Je les haïssais pour leurs égos trop débordants, pour leurs cupidités expressives et pour leur patriotisme frelaté. J’ai éteins ma télé et mis une croix sur les émissions/match de football. J’ai bien résisté et je croyais tenir pour longtemps quand un jour, de passage, par simple curiosité, je m’approchai pour regarder le motif de l’attroupement d’un groupe de jeune visiblement heureux. Par un heureux hasard, j’ai vu un Gervinho qui, d’un geste fou obligea le portier de l’équipe adverse à aller chercher le cuir rond dans ses filets.

Pour la première fois depuis des mois, je crois que j’ai ris vraiment, sincèrement, sans forcer. J’ai sauté sans le vouloir. J’ai été heureux. J’ai aimé. C’est alors que m’est revenue ce proverbe que rappelait mon père à mon frère aîné chaque fois qu’il voulait le convaincre de reprendre avec sa dulcinée après une querelle : « On ne jette jamais son couteau parce qu’il vous a blessé car on en a toujours besoin même si ce n’est pas le même ».
J’ai alors renoué avec le football et me voici replongé dans les commentaires enflammés sur la performance des éléphants. La magie du foot, cette fois, m’a emballé et m’a conduit à des hallucinations prédisant que la Côte d’Ivoire remporterait la coupe du Monde 2014. Je le disais sans me rappeler cet adage qui veut qu’il n’y ait jamais 2 sans 3. Deux fois éliminé au 1er tour, il fallait s’attendre à une 3e fois. Il y a seulement que cette fois-ci le mal fut profond. Perdre un match à seulement deux malheureuses petites minutes de la fin alors que même un simple match nul aurait suffit !? Juste incroyable !

Ce mardi, je suis rentré du travail plus tôt que d’habitude. J’ai boycotté ma séance de prière du soir. J’ai pris mon bain, enfilé mon « orange » et pour mieux vivre l’évènement, suis sorti m’asseoir au bord de la voie public où une dame avait aménagé son Bar avec un écran géant pour permettre au public de suivre le match à condition, bien sûr, de consommer pour qui voulait s’asseoir. J’ai commandé une bouteille de Cocacola pour mériter une place. Cinq minutes plus tard, deux demoiselles s’invitent à ma table. Elles s’installent, la serveuse vient leur demander leur commande. Elles se regardent, me jettent un regard furtif et ordonne à la serveuse de repasser. J’ai compris le scénario. « Emile, tu es en danger », me suis-je dis. J’ai pris mes zèles de Djihadiste insensible à la femme. Elles décident de dérouler leur technique d’approche :
-La première : Mon frère, est-ce que Drogba joue aujourd’hui-là ?
-Moi : Oui. Répondis-je sur un ton sec, sans plus.
-aaaah, Dieu merci. Drogba oooh, mon cœur fait moi plaisir !!!
-La deuxième : Ijiiihhhh, copine c’est Drogba qui va te faire plaisir, et les jolis garçons d’Abidjan-la ?
Je restai serein, le regard fixé sur l’écran, vidant lentement mon verre pendant que les minutes s’égrenaient et que les éléphants accumulaient les forfaitures.
-La première : Ma chère, à cause de ballon les garçons-là s’occupent plus des filles. Tu les vois concentrés on dirait des moines en méditation. Même quand tu parles à côté d’eux ils te regardent même pas.
Je failli pouffer de rire, mais je réussi à me contenir grâce à une violente balle qui frappa la barre transversale des éléphants. Ma tension monte et mes invitées multiplient les âneries. Je me contente de leurs jeter de temps à autres un regard furtif et grave. Elles ont fini par me comprendre. La première commande une bière et la seconde, une Coca. A la mi-temps, elles se résignent.
-la première : aaah ma copine, moi leur match la ne me dit rien hein. Tout est naze ici.
-la deuxième : Oui, ma chère, on n’a qu’a faire on va partir

Ni leur beauté, ni leur bavardage n’ont parvenus à ébranler un cœur en ébullition provoqué par les tirs au but mal cadrés, les passes approximatives et autres incohérences d’un assemblage d’individus égoïstes et hautains…

Mes invitées décident de s’en aller. La deuxième renverse le reste de son verre de Coca à terre avec des murmures en me louchant.  De son regard, je pouvais imaginer ce qu’elle se disait. Quelque chose du genre : « Dieu, sort moi de ce lieu avec cet enfoiré de mec qui ignore des créatures comme moi-même quand elles s’offrent à lui ».
Enfin, je me suis senti libéré et heureux puisqu’à ce moment le score était nul, donc suffisant pour être qualifié. Mais la suite fut moins gaie.

Au coup de sifflet final, ce fut le drame. Chacun expliquait à sa manière l’élimination des éléphants. Pour les superstitieux, les éléphants n’auraient pas dû porter le maillot vert. Les entraineurs reprochaient au Coach Lamouchi d’avoir fait sortir Drogba et Gervinho. Les «Panafricanistes» maudissaient l’arbitre pour ce pénalty disent-il imaginaire et y voyaient un signe anti noir. Les derniers en voulaient aux joueurs pour n’avoir pas fait assez. Le lendemain, mon Pasteur trouvait que c’est parce que nous avions manqué à la séance de prière du soir.
Je n’eu point de mots. Je me résignai et me rappelai mon ancienne résolution : « Plus jamais de football », et désormais, « plus jamais de femmes à ma table » en suivant un match. Mais une fois rentré à la maison, je me rappelai aussi la loi fontaine : « On ne dit jamais fontaine, je ne boirai plus jamais de ton eau ».

Je pris mon téléphone et appelai Melissa, ma Méli que je conquis grâce à Mondoblog. Au lieu de Méli, c’est une voix roque et rugueuse qui me répondit : « Enfoiré, Méli est occupée. Va te faire foutre. Tu aurais dû rester passer du temps avec elle que de suivre un match de cette bande d’escrocs ». Quoi, Méli occupée à cette heure si tard de la nuit ?! Occupée à quoi ?, Je demandai. Mais je n’eus pas de réponse. Il me raccrocha au nez. La douleur s’amplifia. Je sorti chercher mes invitées, elles étaient parties.

Plusieurs jours après, je continue de pleurer, sans savoir qui, ni pourquoi. La défaite des éléphants? Mélissa ? Mes invitées ?

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Auteur·e

bela

Commentaires

Emile Bela
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Vos mots pour le dire ici!

Kouakou Jacmen
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Ce billet est bien ecrit. Et j'espere que ton coeur sera apaisé.

Emile
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Je l'espère moi aussi. lol
Amitiés

lawal Diakité
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« On ne dit jamais fontaine, je ne boirai plus jamais de ton eau ». ce n 'est pas l'amour des éléphants qui nous fait vibrer a chaque foi que nous les voyons sur le terrain , c est l immense amour qu on a pour notre pays, la fierté de nos couleurs, le besoin d appartenance, c est ce mélange qui nous fait vibrer au plus profond de notre âme. alors "fontaine", tant que tu seras Orange Blanc et Vert , nous boirons toujours à ta source. parce que c est ainsi que les choses sont faites. RDV pour la prochaine CAN.

Emile Bela
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Lawal devrait arrivée. Lawal est arrivée. Et comme elle ne pouvait partir sans parler, elle a parlé et elle a dit ce que personne n'aurait pu mieux dire.

Merci et Abientôt.
Amitiés

Danielle
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Félicitations pour ton blog. J'ai pris le temps de le découvrir et j'avoue, il m'a bien fait rigoler à certains moments. Mais ce que j'apprécie le plus dans tes écrits, c'est le fait que tu fasses ressortir les vrais problèmes de notre pays de manière franche et marrante à la fois ce qui permet au lecteur d' apprécier la lecture mais d' ouvrir les yeux sur les phénomènes en Afrique. Encore Félicitations et bon courage pour la suite!

Emile Bela
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Les Danielles, on ne les a pas toujours sur son Blog. Quand elles y viennent il y a de quoi vous faire applaudir des pieds et des mains.
Merci d'être passé et à bientôt pour le nouveau billet que tu vas aimer forcement, à lire dans quelques heures.

Amitiés du côté de Paris!