Abidjan. Yopougon Selmer. Rue des Princes. Carrefour Monde Arabe. Au Bar ‘’Chez les Filles’’. Voici où se donnent rendez-vous, amoureux de l’alcool et professionnel(le)s du sexe. Sur les 13 communes du District d’Abidjan, Yopougon est celle dont l’évocation rime avec joie… ce qui lui a valu le sobriquet de «Yop la Joie » ou « Poy la Belle ». Lorsqu’on parle de Yopougon, la première image qui vous vient est celle de la Rue Princesse.
Située au quartier Selmer, la Rue Princesse se caractérise par ses gigantesques buvettes communément appelés « maquis ». Considérée par le régime actuel comme lieu de délinquance et de perversion, la Rue a subi la foudre dévastatrice des Bulldozers de la Ministre de la Ville et de la Salubrité Urbaine d’alors, Mme Anne Ouloto, dite « Maman Bulldozer », et n’existe aujourd’hui plus que de nom. Mais chasser le naturel, il revient toujours au gallot. De la Rue princesse, nous sommes passés à la « Rue des Princes ». La mutation s’est faite sans difficulté. L’appellation a changé, mais pas les pratiques. Floraison de Maquis et Bars, consommation insolente de l’alcool, exhibition à outrance du sexe… tout y passe !
Parmi ces Bars qui jalonnent la Rue des Princes, il y en a une que vous n’aimeriez jamais visiter au lendemain de votre baptême Chrétien au risque de renoncer à votre engagement ou si vous aimez votre épouse de peur de la répudier sans motif. Je parle du Bar « Chez les Filles ». Situé au coin de la Rue, sur le prolongement du Mythique Maquis « Monde Arabe », le Bar « Chez les Filles » est une véritable entreprise de commerce du sexe. Ce commerce sans vergogne qui se passe aux yeux et au su de tous ne semble guère interpeller personne et implique trois types d’acteurs : le ou les propriétaires du Bar, les clients, et surtout les jeunes filles de 16 ans et plus.
Chaque responsable d’entreprise dispose d’une stratégie pour attirer et fidéliser sa clientèle. Celle du promoteur du Bar « Chez les Filles », comme son nom l’indique est de bâtir sa fortune sur le corps sacré et nu de la femme, et comme il existe des filles prêtes à monnayer ce qui leur reste de dignité et d’honneur, cette stratégie marche bien.
Vu de l’extérieur, Chez les Filles est un Bar « Normal », disons où adeptes des sensations fortes que produit l’alcool peuvent se rencontrer. Mais de l’intérieur, il en est tout autre. Il s’agit d’un club de Strip-Tease.
De toute ma vie, je n’ai jamais été dans un club de Strip-Tease… Merde ! Je ne m’en rends compte que maintenant ! Qu’ai-je fais de ma vie tout ce temps ? Pauvre type rendu naïf par son attachement aux principes chrétiens !
Toutefois, pour ce que j’ai pu voir à la télé ou qu’on m’a raconté, dans ces clubs, les femmes se contentent de servir 90% nu et de s’exhiber devant les clients, question de leur soutirer quelques billets de banques. Mais « Chez les Filles », en plus de consommer de l’alcool, les clients peuvent « consommer » du sexe de femme… cela aussi longtemps que leurs forces physiques et leurs poches résisteront.
Une seule bouteille de vin mousseux, de l’argent pour les filles dont elles devront probablement rendre compte « au patron » et de l’endurance, voici ce qu’il faut à ces clients pour s’offrir une soirée de rêve, visiter le septième ciel et retourner chez eux… avec le virus du SIDA dans le sang sans doute. Il n’y a pas de mal à ça non ?!
J’habite à environ deux cent mètres de « Chez les Filles » et donc je suis plus ou moins le déroulement de ce commerce. Certains y vont par curiosité, d’autres par ignorance, d’autres encore par habitude… Tous y entrent et sortent chacun avec ses raisons. Je constate presqu’impuissant sinon qu’écrire ce billet pour dénoncer cette pratique qui n’honore pas les acteurs directement impliqués et qui constitue une atteinte aux bonnes mœurs.
Xavier, appelons-le ainsi, Moniteur d’une Auto Ecole située dans mon quartier dit s’être retrouvé « par ignorance » ce weekend « Chez les Filles ». Il raconte :
Mon ami et moi cherchions un Bar pour décompresser après le boulot. Quand nous sommes entrés dans ce Bar, nous avons vu de belles jeunes filles, grandes de tailles et teints clairs, les unes ; petites, innocentes et puant la fumée de la cigarette, les autres. Toutes étaient quasiment nues. Ce spectacle nous a d’emblé horrifié mais n’a pas dissuadé notre envie de nous divertir. Nous avons passés la commande pour une bouteille de Vin Mousseux au prix de 8.000 fcfa et avions remis à la serveuse un billet de 10.000 f. Lorsque nous nous sommes assis et avons été servis, deux d’entre les filles sont venues à notre table et se sont d’abord mises à s’exhiber nous invitant à contempler, voire même à toucher leurs parties intimes qu’elles nous montraient. Puis comme nous ne réagissions pas, elles se sont assises auprès de nous et se sont mises à nous déboutonner. Nous avions résisté et sommes parvenus à boire deux verres chacun, puis le temps de nous en apercevoir, elles s’étaient entièrement dénudées, nous indiquant, de la main, des gens dans le coin du Bar couchant avec des filles sans que cela ne gêne qui que ce soit et nous invitant à les y rejoindre. C’est seulement alors que nous avions compris l’ampleur de la situation dans laquelle nous nous étions mis. A force de résister, l’une des filles nous a sorti cette phrase : « Monsieur, pardon faut pas faire tu vas gâter mon travail ». Quoi, « mon travail » !? Nom de Dieu ! En nous aidant de nos mains, nous avions tenu nos pantalons et lutté jusqu’à la sortie sous les railleries de ceux qui semblaient s’y plaire. Nous avions fuit y abandonnant notre bouteille, notre monnaie aussi…
Certains parleront d’effets collatéraux de la pauvreté et du chômage grandissant, d’autres d’une corruption généralisée des mœurs… c’est selon l’angle de vision de chacun… peu importe. La réalité est là, dure à regarder en face mais elle se tient ferme devant nous. Ces filles, c’est la société qui les a fabriqués. Ces pratiques, c’est l’impunité qui les a légitimité.
Quand dans une commune aussi vaste que Yopougon, fleurissent à longueurs de journées des Maquis et Bars à tout coin de rue polluant ainsi la vie des habitants et que le Conseil Municipal semble plutôt y tirer profit puisqu’il perçoit sur chaque installation des taxes pour son fonctionnement, c’est à ces pratiques qu’il faut s’attendre. Que fait la police des mœurs dans tout ça ? Ne répondez pas.
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