Si Dieu n’avait pas existé, il aurait fallu l’inventer, dixit Descartes ; mais pour moi, si internet n’avait pas été inventé, mieux aurait valu ne même pas y penser. Tant pis s’il aurait fallu que votre mère vienne vous annoncer son propre décès, alors qu’il aurait suffit d’un email aujourd’hui à défaut d’un coup de fil puisque votre village ne bénéficie pas de couverture réseau téléphonique et la lettre expédiée par la poste depuis deux semaines ne vous ait toujours pas parvenu.
Le 5 Juillet 1993 dans les colonnes de The New Yorker, le célèbre columnist Peter Steiner présentait son Dessin Animé sur la cybercriminalité. C’était l’histoire de deux chiens devant un ordinateur connecté à internet. Le premier qui s’y connaissait en informatique eut le privilège de s’asseoir sur la chaise devant l’écran et le second, « analphabète informatique », lui, s’assit au sol. Notre internaute surf et lit au malheureux analphabète ce qu’il voit sur l’écran. Au bout d’un moment et sans doute pour narguer son ignorance, il lui sort cette phrase : « Sur internet, personne ne sait que tu es un chien ». (C’est d’ailleurs le titre de ce D.A). Allez-y voir sa réaction…
Au-delà de nous offrir le sourire, cette histoire de Steiner nous renvoie à l’évidence que derrière un écran d’ordinateur, sur internet, l’on trouve toutes sortes d’individus : Bons et mauvais ; enfants et adultes ; attardés mental et êtres de raison ; homosexuels et hétérosexuels ; apostats et croyants, élèves et professeurs, mariés et célibataires, diplomates et cireurs de chaussure, pervers et pudiques… et surtout des gens honnêtes qui se servent du WEB pour construire leur vie et d’autres, malhonnêtes, qui s’en servent pour détruire cette vie. On y croise tout ce monde. Des amitiés naissent, des couples sont formés, des enfants en découlent. Ceux-ci deviennent plutard soit des menaces pour toute l’humanité ou des agents de changement, porteurs d’espoirs de tout un peuple. C’est ce qui fait peut-être tout le charme du « 3 W point… » et qui se résume dans cette phrase de Jhon Gilmore, éminente figure de l’histoire du Usenet : « Le cyberespace deviendra libérateur car le genre, la race, l’apparence et même la chienlit son potentiellement absents ou alternativement fabriqués de manière exagérées avec une licence créative incontrôlée pour servir a plusieurs causes à la fois légales et illégales ».
Assurément, c’est pour éviter d’être un chien ou de croiser un chien que certaines personnes décident de s’abstenir de tout usage d’internet. C’est un choix de vie, quoiqu’emprunt de naïveté en ces Temps Nouveaux. L’usage d’internet s’impose à tous. Mais, certains ont choisi délibérément d’occulter ses bienfaits pour promouvoir ses méfaits. Ça aussi est un choix de vie, sauf qu’il fait d’eux des ennemis à combattre au même titre que les terroristes.
Il y a quelques mois de cela, ma collègue blogueuse Beninoise, Sinatou, publiait un billet intitulé : » j’ai refusé d’être diffusé par Amazon! » Sina racontait comment grâce à son frère, elle a pu échapper aux griffes d’un probable arnaqueur, un certain Alain Durant qui lui aurait fait l’offre si alléchante de publier son mémoire de Master. Pendant longtemps, j’ai cherché désespérément un éditeur pour publier moi aussi mon mémoire de Master sur la Coopération Non Gouvernementale. Quand j’ai lu le billet de Sina, j’ai compris les dangers auxquels je m’exposais, j’y vais désormais avec beaucoup de prudences.
Je me souviens de, Marc, cet ami sur Facebook de Josée, une amie de quartier, qui se faisait passer pour un Ivoirien vivant à Londres et qui avait besoin d’aide pour se faire établir une copie récente de son jugement supplétif. Josée n’y voyait pas d’inconvénient, surtout qu’ils sont amis. Mais là où tout devient suspect, c’est que l’ami en question demande à Josée son numéro de compte bancaire afin de lui transférer l’argent devant servir de frais d’établissement de son jugement. N’en ayant pas, elle lui propose le transfert par Western Union, ce que l’ami refuse. Il lui suggère de demander celui d’un oncle ou d’un frère. Son air rassurant pousse Josée, par naïveté, à le croire. Elle vient me voir pour demander le mien qui n’existe que de nom d’ailleurs. A vous de comprendre pourquoi. Quand elle m’a expliqué le motif, le seul regret que j’ai eu était de n’avoir pas été un soldat Américain. Je lui aurais tiré à l’instant même deux roquettes dans le crâne avant de trainer son corps aux fonds de l’Océan, plus loin que là où Sadam Oussen a été jeté parce que je la voyais comme un terroriste d’Al-Qaida.
Je me rappelle cette Solange Beyeme qui se disait une fidèle lectrice de mon blog et aimant mes billets. Solange m’a fait la proposition d’être un contributeur dans leur “magazine International sur l’Afrique et ses potentiels” avec un bon salaire en prime. J’avais commencé à narguer tous mes créanciers, à rêver de la voiture décapotable que j’allais acheter pour éclabousser David Beckham ou Samuel Eto’o. Je me suis montré violent envers ces jeunes filles budgétivores de mon quartier qui me ruinent sans retour sur investissement, parce que je voyais l’argent frais venir. J’ai commencé à suivre les Télénovelas pour me faire une image de ma Brésilienne que j’allais épouser et à fouiller sur internet à la recherche d’hôtels et de compagnies aériennes offrant les meilleurs tarifs pour mes vacances aux Bahamas où aux Iles Caraibes.
Mais, comme j’en ai l’habitude chaque fois que j’ai affaire à un inconnu, par précaution, j’ai d’abord interrogé Google sur ma bienfaitrice, « aucun résultat trouvé pour Solange Beyeme ». Quoi, une éditrice de magazine international qui n’existe pas sur internet ? Je lui ai écrit en réponse à son second mail pour lui demander au moins le site internet de son magazine. Cela fait quatre mois aujourd’hui que j’attends en vain la réponse de mon « envoyée de Dieu ».
Et ma bagnole ? Et mes Brésiliennes ? Et mes vacances dorées aux Caraïbes ? Que faire !? Je parie que les sorciers de mon village y sont passés. Mais comme je vais à l’église tous les dimanches matin, je sais que Dieu fera quelque chose. Solange reviendra. C’est sûr. En attendant, je multiplie les jeûnes et prières pour que d’ici là ma demande d’adhésion à Boko Haram soit validée pour me permettre d’aller jusqu’à chez elle faire exploser toute sa maison et la faire disparaitre ainsi que sa famille et les personnes de son espèce qui vident les comptes, plongent des familles dans la misère éternelle, et détruisent la vie d’honnêtes citoyens par le canal d’internet. Pour ces nombreux solanges, Marc et autres qui inondent le Net, je demanderai le dimanche prochain, à mon pasteur de prier pour que Dieu dans sa bonté et après leur avoir fermé les portes de l’enfer, leur accorde sa clémence en se contentant de leur refuser une place même sur la planète soleil.
Ici, je suis devenu le chien analphabète informatique assis à même le sol et, elle, celui assis sur la chaise, qui me dit, Emile, sais-tu quoi ? « Sur internet, personne ne sait que tu es un chien ». Heureusement que, chien, je ne le suis pas plus que Solange et ses pairs, cybercriminels.
La cybercriminalité est un fléau. Combattons-la !
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