J’ai été bombardé ces derniers temps notamment par les médias sociaux et la presse numérique par l’affaire d’un projet de loi sur la famille soumis à l’Assemblée Nationale en Côte d’Ivoire. Cette loi selon mes lectures vise à attribuer à la femme, autant que l’homme, le titre de Chef de famille.
Mes tentatives de comprendre la nécessité d’une telle loi et à cette période si critique de l’histoire de la Côte d’Ivoire où les ivoiriens et ivoiriennes ont besoin d’actes plus forts, plus concrets, son restées vaines. Pourquoi une telle loi et maintenant ? En quoi un titre honorifique de « Chef de famille » peut-il changer la condition de la femme ? Les femmes auraient-elles autant que çà besoin d’être désignées Chef de famille ? Je crains que non et permettez moi, Monsieur le Président, de vous dire pourquoi cette supposée loi est vide de sens et si elle venait à être votée par l’Assemblée Nationale ne serait qu’une piètre réalisation sous votre mandat.
En vous élisant, les ivoiriennes en particulier meurtries par les dix ans de guerre s’attendaient à des solutions -que vous leur avez d’ailleurs promises- pour reprendre goût à la vie. Après trois ans de mandat, elles attendent toujours ces solutions qui semblent devenues des problèmes ou alors qui viennent mais à pas de caméléon. C’est dans cette attente désespérée que vous leur servez cette loi. Pour quoi au juste ? Pour faire de la figuration politique d’un genre nouveau ? Pour distraire les masses et renforcer le sensationnalisme béat des mass média ? Je m’interroge.
L’égalité est une valeur démocratique que toute société doit porter en elle et défendre. Vous avez nommé la première femme Grande Chancelière de Côte d’Ivoire, c’est bien. La première femme Générale de l’Armée de Côte d’Ivoire, c’est agréable, pour ne citer que ces deux cas. Je comprends donc votre acharnement d’ailleurs salutaire à prouver votre image d’homme soucieux de la condition féminine. Mais qui trop embrasse souvent mal étreint. Les problèmes sont nombreux et réels. Peut-être qu’il faut faire passer l’utile avant l’agréable et non l’inverse. Il faut aller par priorité.
Les femmes constituent 52% de la population ivoirienne, mais seules environ 30% occupent une place dans l’administration publique ou exercent un métier dans le secteur formel. Le reste se retrouve dans l’informel. Comment corriger cet écart ? Voici une priorité.
Au-delà de quelques femmes d’une agitation stérile faite de toilettes multicolores et de prises de positions monocordes et monotones, les femmes convainquent par leurs fébrilités coupables quand il s’agit de prendre des positions face aux sujets qui les concernent ou d’assumer leurs responsabilités. Ma question, que deviendraient-elles lâchées seules dans l’arène? Ce dont elles semblent avoir besoin le plus c’est une réelle formation en leadership. Ceci est une priorité.
Cette ivoirienne à la santé funambule et à l’éducation embryonnaire pour ne pas dire inexistante se moque de sa position de Chef ou pas de famille. Quelle avancée notable cela apporte t-il à son existence et quelles solutions opérationnelles en découlent pour l’amélioration de son quotidien ? Ce à quoi elle aspire c’est se réconcilier avec son panier de la ménagère, bénéficier d’une assurance santé, voir ses enfants aller et revenir de l’école le sourire aux lèvres, elle-même sortir et rentrer à la maison sans être inquiétée par un individu armé, retrouver une partie de sa famille forcée à l’exile craignant vos représailles.
Le vote d’une loi qui fait de la femme « Chef de famille » n’apporte rien au débat de fond sur la place des femmes dans la société ivoirienne et sur leur participation effective aux mécanismes décisionnels. Que valent réellement les femmes du microcosme politique ivoirien à l’aune de la représentativité ? Seules 27 sièges sur les 255 de l’Assemblée Nationale sont occupés par les femmes, soit un taux d’environ 11%. Comment rehausser ce taux ? Une autre priorité.
La loi peut être votée et ne pas être appliquée; Être appliquée et ne pas produire les effets escomptés. C’est ce que les députés ont voulu vous faire comprendre dans leur rôle tout aussi autonome que le vôtre en refusant cette loi affirmant qu’elle ferait plus de tord à la société que de bien. Face à tout ceci, voici quelques propositions, entre autres, pour vous aider dans vos initiatives du reste salutaires visant à rehausser l’image de la femme.
- Renforcer l’Éducation Civique. Dispensée très tôt, elle permettra aux jeunes filles de s’approprier la citoyenneté et les droits et devoirs y afférents. Déclinée tout au long de la vie, elle permettra aux plus âgées de compenser leur retard sur les évènements et de capitaliser leur expérience sociale à partager avec leurs cadettes.
- Mettre en place un véritable Ministère de la Promotion de la Femme destiné à l’information, à l’éducation et à l’insertion. Ceci pour changer de l’actuel qui nous fait croire à l’envi que féminité rime avec précarité.
- Légaliser la polygamie. Quoique je sois contre la polygamie, ceci permettrait de protéger les maîtresses et leurs enfants en cas de décès du mari et aussi éviterait les conflits d’héritage. La loi existe au Burkina Faso où les aspirants au mariage choisissent entre la polygamie et la monogamie tout comme en Côte d’Ivoire ceux-ci choisissent entre la séparation et la communauté de bien.
- Supprimer la caution de 100 milles FCFA pour toute candidature féminine à la députation et surtout nommer plus de femmes aux postes de responsabilités dans l’administration publique autant que dans le gouvernement.
- Renforcer la formation sur le leadership féminin. Ceci est une nécessité en vue d’accroître l’autonomie des femmes et leur permettre de s’assumer.
Ces mesures sont certes des gouttes d’eau dans la mer face à l’épineuse question de l’égalité des sexes, mais auront le mérite de vous accorder plus de crédit aux yeux de l’opinion publique plutôt qu’une loi creuse accordant un titre honorifique de « Chef de famille » à la femme et une place au côté de l’homme, d’ailleurs pourquoi pas au dessus ?
Commentaires