En sillonnant la blogosphère pour lire les meilleurs articles que nous proposent ces blogueurs chevronnés de partout, je suis tombé sur cet article de mon ami David Kpelly, blogueur émérite Togolais, intitulé «En attendant le dernier soupir du dernier Libyen ». Dans cet article sobre et bien articulé, David évoque d’un côté la triste réalité de ces leaders africains qui, sous le sot d’un panafricanisme pervers massacrent leurs peuples en pointant du doigt l’occident. De l’autre, il expose cette grande carence que présentent « Certains jeunes Africains inspirés par des pseudos intellectuels médiocres » qui se font les portes paroles de ces tout-sauf-panafricanistes.
Au-delà de l’intérêt que j’ai porté pour cet article pour sa pertinence, ce qui m’a marqué ce sont les commentaires qui ont suivi notamment celui d’un certain Kellyjunior. Dans un langage qui allie injures et ignorance dans une harmonie digne de la prestation d’une chorale de la Basilique Saint Pierre de Rôme, du reste comme il fallait s’y attendre lorsqu’on appartient à cette classe moins éclairée des pseudos panafricanistes, notre sieur Kellyjunior s’est évertué à prouver à l’auteur qu’il ne voyait pas plus loin que le bout de son nez. Savoir que l’on ne sait pas, c’est le début du savoir ; mais ne pas savoir qu’on ne sait pas c’est le summum de l’ignorance, nous disait notre professeur de français en classe de seconde. J’aurais aimé que Kellyjunior soit là ce jour !
Plus j’évolue en âge et découvre dans sa diversité la société et ses composantes, je me rends compte qu’il existe une catégorie bien à part d’individus qui confondent tout, même leurs noms à leurs prénoms; leur numéro de téléphone à leur date de naissance. En considérant cette malheureuse confusion entre « panafricanisme » et « néocolonialisme » que font ces panafricanistes bien-à-part, une seule question surgit en moi : Que signifient ces concepts pour ceux-là ?
Sans aller trop loin, l’une des définitions littéraires plus simple du néocolonialisme que propose le dictionnaire Larousse est une « Politique menée par certains pays développés visant à instituer, sous des formes nouvelles, leur domination sur les États indépendants du tiers monde autrefois colonisés. » Autrement dit, il s’agit d’une forme de colonisation qui intervient après les indépendances censées marquer la fin de la colonisation.
Dans l’autre cas, le mouvement Panafricain, pour l’essentiel, né dans des régions de langues anglaises notamment au Sud des Etats Unis et aux Antilles britanniques, avec pour précurseurs Williams Edward Burghardt Du Bois, Marcus Garvey et Jean Price-Mars autour du 20è siècle signifie en termes tout aussi simples selon le même dictionnaire « une doctrine, un mouvement politique qui promeut le rapprochement et l’union des pays, des peuples et des cultures africaines.» En Avril 1964, dès son retour du pèlerinage à la Mecque, Malcom X effectue une série de voyage en Afrique (Nigéria, Libéria, Egypte, Sénégal, Algérie, Maroc et le Ghana…) et s’entretient particulièrement avec le président Ghanéen Kwamé Nkrumah -alors considéré comme le professeur du nationalisme des républiques noires -qui a contribué de façon remarquable à la formation du mouvement panafricaniste, ce qui lui vaut toute sa célébrité aujourd’hui lorsqu’on parle de panafricanisme. Il ne s’agit pas ici d’exposer ni sur le panafricanisme ni sur le néocolonialisme (même si on peut en parler longuement) mais d’évoquer le caractère dégoutant de cette comparaison que certains pseudos adeptes du panafricanisme font entre les leaders contemporains «tout-sauf-panafricanistes» et ceux d’hier «panafricanistes-éclairés».
Kadhafi n’est pas N’krumah pas plus que Gbagbo n’est pas Sankara. L’écart est net, sauf si l’on refuse de le voir. L’une des grandes idées du Dr Nkrumah consistait à multiplier les efforts pour améliorer les conditions sociales et économiques du peuple ghanéen en particulier et Africain en général passant par une reconnaissance effective de leurs droits. Sankara ne faisait pas le contraire lui qui, parlant du peuple Burkinabè, estimait qu’il était inadmissible qu’une minorité s’approprie toutes les ressources alors qu’une majorité ploie sous le poids de la pauvreté.
-Je restreins délibérément le cadre en ayant en tête que le panafricanisme va bien au-delà –
De Nkrumah à Sankara, il existe donc une approche commune, celle qui met au devant l’intérêt général du peuple, qui privilégie le bien-être de tous et garantit la liberté et les droits de chaque individu et plus loin des peuples africains.
Que Kadhafi ait voulu l’unité de l’Afrique en prônant l’union Africaine et ait su tenir tête à l’occident est un fait. Qu’il ait muselé son peuple tenu en captivité dans la terreur pendant des décennies, s’autoproclamant le plus intelligent de tout les libyens, le guide, pas même le président pour ne pas supposer une élection, en est un autre. On se souviendra de sa phrase « Nous traquerons ces assaillants jusqu’à leur dernière cachette hameaux par hameaux…».
Que Gbagbo dispose d’un génie politique, d’un charisme et d’un contact facile avec son peuple et aussi qu’il tienne tête à l’occident dont la présence en Côte d’Ivoire reste sujette à caution est un fait. Qu’il ait perdu les élections, s’y est accroché au détriment de la vie du peuple qu’il dit aimer, ait lancé des Obus en plein marché, tiré sur des femmes affamées criant leurs colères dans les rues de Yopougon, en est un autre. On se souviendra de sa phrase « quiconque se présentera à moi avec l’épée, je l’accueillerai avec l’épée…».
Si le peuple Togolais aujourd’hui pris en otage par Faure réclame sa liberté, si le peuple Camerounais dont le président Biya semble plutôt devenu une gangrène se soulève, si les burkinabè visiblement dégoutés par leur président Compaoré s’insurgent, si demain les partisans de l’opposition ivoirienne ne contenant plus leurs colères de voir leurs leaders emprisonnés par Ouattara s’expriment ; si tous se rebellent, se font tirer la dessus par la soldatesque qui entoure ces roitelets et que sous le couvert du principe de la responsabilité de protéger, l’ONU et ses bras interviennent pour « sauver » ces peuples, on parlera de néocolonialisme. Les leaders de ces pays, en victimes, brandiront l’argument du panafricanisme; oui, sauf qu’il s’agit d’un panafricanisme corrompu.
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